dimanche 17 avril 2016

Topographie anécdotée du hasard de sa relecture...

Vendredi j'évoquais à Thibault Averty (l'un de mes étudiants) la référence favorable et possible de l'un de ses travaux en cours avec les tableaux-pièges de Daniel Spoerri.



Il était question alors d'appropriation et de basculement du sol sur le mur d'objets vus, photographiés, emportés, acrrochés et regardés de nouveau avec leur traces et leurs couleurs mais surtout avec l'énergie contenue dans leurs matières et des accidents de leur vie d'objets de peu.
Je promis à Thibault de lui apporter un petit fascicule (et donc un livre important !) imprimé et édité en 1961 aux éditions Galerie Lawrence et intitulé Topographie Anécdotée du Hasard, livre trouvé sur une foire-à-tout comme on dit chez moi pour dire vide-grenier. Je crois d'ailleurs que ces deux dénominations auraient pu plaire à Monsieur Spoerri !
Dans ce petit fascicule de 54 pages que trouve-t-on ?
D'abord Daniel Spoerri définit son objet éditorial dans un petit texte que vous pourrez lire ci-dessous. Puis vient la description de chacun des objets de ce tableau-piège avec parfois des digressions sur les personnes rencontrées, sur des textes lus sur les objets ou même une conversation enregistrée entre R. et D. dont j'ai du mal à décrypter de qui il s'agit ( Robert Filliou et Daniel Spoerri ?).
Vient ensuite la liste des noms cités dont le R renvoie bien Filliou puis, enfin, le dépliant du plan de cette topographie, reprenant par le contour les objets posés sur la table.
J'avais, j'avoue, oublié l'importance de ce petit livre.
Il y a là dans ce désir de saisissement et de maintien du tout une volonté farouche de ne rien perdre, une lutte terrible contre le temps et aussi la certitude que l'immédiateté, l'instantanéité même de la vie valent bien certaines grandeurs de l'exceptionnel. Nous sommes comme les archéologues qui rencontrent dans le fantôme d'un corps moulé à Pompéi la réalité de son existence, une forme totale de l'histoire, sa palpation même. C'est en cela que ce Nouveau Réalisme fut nouveau. Et puis, il y a aussi, comme chez Pérec désireux de tenir le moment d'une terrasse de café en décrivant tout ce qui passe, il y a aussi donc, une multitude des petits riens, des détails, un sentiment vertigineux d'en être, d'y revenir, de le maintenir. C'est bien aussi comment, à partir d'une image, celle du plan topographique ou celle de l'objet verticalisé, on produit de la narration dont on ne doute pas de sa réalité tant elle est ancrée dans le réel d'un objet. C'est drôle, émouvant, tendre même car, en fait, on connaît tous ce genre. Nous avons tous des objets de rien qui portent en eux non leur essence mais une charge narrative liée à des souvenirs dont on sait parfois leur relative perfection, ici appuyée par la seule et irrémédiable présence de l'objet. Ce n'est pas pour rien qu'au début de son livre, Daniel Spoerri évoque... Sherlock Holmes et Pompéi. Ne m'offrez pas un caillou ou une branche, je les garderai toute ma vie, j'en ai plein mes tiroirs.
J'avais oublié cette charge sans doute trop vite pris par un anecdotique au lieu d'un anécdoté... Et, lors de la sortie du livre de ma bibliothèque, cette erreur d'énonciation me troubla.
Alors, j'aurai plaisir à montrer ce petit livre à Thibault Averty. J'aurai plaisir à lui dire que, finalement enseigner c'est aussi parfois se souvenir mal sans que cela ne soit très grave lorsque cela déclenche, à la fois pour celui qui enseigne et celui qui reçoit l'enseignement, une complicité née sur une justesse retrouvée, définie et aimée.
Il faudra à l'élève, à son tour, faire le tour de ce tableau-piège avant d'y tomber. Il pourra choisir de s'y laisser prendre mais on sait qu'un piège n'est plus un piège quand il est désiré. Restera le tableau. Et une recette étrange de raisins secs et de préservatif.
Quelques extraits que vous lirez plus facilement en cliquant sur les images !

 






















































































































































































































































































































































































samedi 16 avril 2016

Du mini au maxi, des objets pour imprimer, une presse à sauver.

Nous allons nous amuser à vivre en réduction puis nous irons soutenir une action au maximum.

Je possède depuis des années maintenant une petite presse lithographique, copie conforme d'une presse à bras, réduite au quart. Achetée sur un vide-grenier à Elbeuf, je me souviens très bien de ma surprise à trouver cet objet, de le reconnaître tout en étant étonné, incrédule, face à sa taille et à son existence. Posée sur une table de camping, elle semblait m'attendre...



L'objet possède toutes les qualités d'une grande et nous nous étions même amusés, Emmanuel André et moi-même, aux Beaux-Arts de Rouen à faire quelques tirages, non pas sur une minuscule pierre lithographique mais sur un petit morceau de plaque offset. Cela fonctionnait vaille que vaille, l'expérience étant surtout dans la joie de refaire des gestes connus avec un objet bien loin de son échelle habituelle. Il y a toujours dans les objets en réduction, une fascination curieuse qui lorsque, en plus, la fonction est maintenue, tient presque du miracle.



Je ne sais rien de cette petite presse lithographique sauf que j'avais à l'époque retrouvé dans le magazine les Nouvelles de l'Estampe une annonce publicitaire pour les commander. Je n'ai malheureusement pas gardé ce document... Si vous avez des infos...
Et voilà que la semaine dernière, grâce à mon frère Christophe, grand arpenteur de vide-greniers et de dépôts-ventes parfois improbables, je tombe sur cette maquette, copie, (comment nommer ça ?) d'une presse à percussion bien dans le genre de celle de Gutenberg et une fois encore à Elbeuf !



La qualité du bois et des finitions, le fait que là aussi, on puisse vraiment manipuler les parties mobiles, tout cela confère à cet objet en miniature à nouveau une sorte de magie joyeuse qui me rappelle aussi les très beaux objets et chefs-d'œuvre des Compagnons du Devoir même si, ici, ce n'est pas le cas je le crois.



Qui donc, donna une part de sa vie pour reconstituer avec finesse cet objet ? Quel lien avait-il avec cette pratique de l'imprimerie pour que ce désir de réduction le pousse à le concevoir et pour quel usage ? Je ne sais pas...
J'ai aussi dans mes placards, dormant aussi depuis des années, un très beau jouet :



Il s'agit d'une presse rotative d'imprimerie Novaprim dont l'incroyable qualité lui a permis d'obtenir l'Oscar du Jouet en 1970 ! Quelle chance pour un jeune adolescent de pouvoir jouer avec ce type de mini-presse ! Cette rotative offre deux options : imprimer feuille à feuille ou en continu par le rouleau. On peut composer du texte ou passer des tampons déjà gravés d'un dessin qui n'a pas de dessinateur ! Je trouve à l'intérieur un bon à tirer réalisé par son ancien propriétaire ! Malheureusement le caoutchouc du rouleau encreur est maintenant trop cuit pour permettre une remise en route de ce beau, très beau jouet.













Quel enfant pouvait alors avoir le rêve de devenir imprimeur ? Quel enfant pouvait avoir ce désir de multiplier, de diffuser, d'inventer des images multiples ? Et quels parents pouvaient voir là, dans ce jouet, l'occasion d'offrir à un enfant une image joyeuse d'un métier ?
J'ai aussi beaucoup de chance :







Je possède ce très beau tampon géant réalisé par Fabien Yvon, artiste, graveur, lithographe qu'il fabriqua pour son diplôme. Tourné dans un bloc massif par l'artiste lui-même, ce tampon hors d'échelle n'a pas vraiment vertu à imprimer des images car il a la chance sur son plat d'avoir un paysage de bois qui suffit bien à notre bonheur.





Objet fétiche, objet de transition entre sculpture et gravure, objet aussi qui affiche le goût d'un geste appris et d'un désir de maîtrise, il est bien dans le domaine de l'Art puisque son statut reste suspendu à notre imaginaire. On aimera comment Fabien Yvon en a soigné les détails et cette très belle pièce est aussi, je l'avoue,une sorte de pièce de passage entre l'artiste et votre serviteur. Comme un cadeau somptueux dont je ne permettrai jamais à personne d'autre que moi de devenir le propriétaire. Jalousez-moi, c'est tout ce que vous aurez !





Je reçois depuis peu des appels d'aide et des demandes pour diffuser un désir de restauration et de sauvetage d'une très très grosse presse Marinoni. Il va de soi que cette aventure mêlant Patrimoine et image imprimée en lithographie ne peut que résonner positivement ici !
Alors, je donne les liens pour que vous puissiez à votre tour soutenir cette action et mieux connaître ses objectifs. Il s'agit de sauvegarder à la fois une machine qui fut historique, devenue rare aujourd'hui, mais aussi des gestes et des pratiques artistiques qui y sont associés. Car, une presse lithographique posée dans un musée sur un socle ne sert à rien. Il faut les voir marcher, animer par ces serviteurs pour saisir à la fois la tranquillité du tirage, la douceur presque de la mécanique, et l'attente des artistes et des imprimeurs au cul de la machine pour comprendre combien cela est beau, puissant, jouissif de voir de tels monstres au travail. Un peu comme de belles locomotives à vapeur entraînant tranquillement un train de voyageurs.
Merci donc à tous de faire ce que vous pouvez pour aider Laurent Nicolaï et ses amis.
Un jour, grâce à leur énergie et à la vôtre, nous irons écouter le doux bruit de la presse et les cris de joie des artistes voyant leurs images tomber dans les mains du receveur.
Allez ici :
http://www.laurentnicolai.com/6026-cm2/
On notera la belle qualité didactique du site.
Pour la souscription, c'est ici :
http://www.kisskissbankbank.com/6026-cm-sauvegarde-d-une-exceptionnelle-presse-lithographique?ref=recent



mercredi 13 avril 2016

La femmelette vous salue bien

L'hiver s'achève et l'excuse du mauvais temps pour ne pas faire le grainage d'une pierre aussi...
Je finis donc de mettre de la couleur sur cette lithographie et, je vous le promets, je me remets au dessin et donc à la préparation d'une pierre.
En attendant, je vous laisse regarder celle-ci. Pour la voir de visu, pas la peine de chercher les panneaux de la stupide et creuse manifestation Visites d'Ateliers Rouen Métropole, venez simplement à la maison. Il est vrai qu'il est toujours mieux de regarder le réel que des images sur internet, surtout pour les couleurs.
Si vous venez, on parlera de la différence entre faire une politique culturelle et faire de la communication, nous regarderons dans le dictionnaire Larousse la vraie définition de ces deux mots et leur force respective.
Bientôt, il y a aura aussi le tirage de la planche géante en gravure...
Soyez patients...Soyez patients...