Ceux qui montent dans ma Twingo en ce moment, peuvent se régaler de l'album de rap de Froggy Fresh et Money Maker Mike.
Je le dis de suite, sans détour, pour moi, il s'agit de l'un des plus grands albums de rap de ma discothèque.
Lorsqu'à la fin des années 80 et au début des années 90, je découvris que je pouvais aimer ce genre musical grâce à mon ami musicien Thibault Aspe, ce que j'aimais surtout, c'était l'énergie puissante et aussi une forme d'humour musical produisant dans le champ du son, les plaisirs du découpage, du collage et d'une rythmicité faisant danser et bouger de beaux garçons musculeux si fiers de leur corps. La pochette de l'album de LLCool J en étant la typologie à l'époque.
Mais ce que j'aimais aussi à ce moment et que je retrouve aujourd'hui dans cette album de Froggy Fresh, c'est la possibilité pour qui le veut de faire de la musique en s'appuyant sur des formes reconnues et en balançant des textes souvent vengeurs et revendicatifs.
Froggy Fresh n'échappe pas au genre mais sa candeur est sa force.
Qui oserait faire de sa liste de Noël comportant une figurine de catch ou une lunch box un morceau de rap ? Froggy Fresh ! (et Thibault Aspe...)
Il faut voir le clip Girl Work it pour saisir que ce rappeur dans sa simplicité, sa naïveté presque désarmante fait une œuvre aussi forte qu'un Facteur Cheval. J'ai même cru, lors de mon premier visionnage de ce clip à une œuvre conceptuelle tant le décalage est fort.
Froggy Fresh est le rappeur brut, celui qui se saisit pour lui, pour sa vie, d'un genre qui lui permet de s'offrir sans regret ni détour un moyen d'expression. Et, au-delà même de la qualité des morceaux, cela suffit à faire mon bonheur.
Car, voyez-vous, si le rap (surtout français) est maintenant bourré de petits cons qui nous font la leçon et croient être aptes à produire des textes politiques d'une indigence crasse, Froggy Fresh lui, dans la vraie Amérique, celle du bonheur optimiste assumé, nous raconte sa vie simple et surtout son amitié pour son acolyte toujours muet Money Maker Mike. Je pense que ce dernier est d'ailleurs dans son contraste avec Froggy Fresh le personnage le plus troublant du duo et sans doute celui qui porte quelque chose de dur et d'étrange. Cette amitié virile mais qui reste froide à toute interprétation homosexuelle, est souvent le sous-texte de Froggy Fresh à la recherche permanente d'une tension amicale si typée, si sportive, si masculine qui, vous l'aurez compris ajoute bien évidemment à mon goût pour ce rappeur. Et c'est extrêmement touchant.
Alors on pourrait aimer aussi l'album presque sans l'écouter simplement pour ces qualités d'appropriation comme on aime le poème fait à l'école par le petit dernier parce qu'il vous est adressé. Mais voyez-vous, il faut le dire, il y a là d'excellents morceaux, parfaitement produits, jouant simplement mais efficacement avec les attendus d'un genre musical qui s'épuise un peu aujourd'hui. Froggy Fresh sans doute par manque de moyens est dans une obligation de produire une musique simple, tendue, tenue et rythmée dont la voix très américaine dans ses accents apporte un plaisir évident. C'est l'Amérique.
C'est celle des petits pavillons accolés, des paniers de basket devant le garage, des adolescents qui n'en finissent pas de grandir nourris de céréales et de Free Coke. Cette Amérique qui permet à un duo de copains, heureux de s'être trouvés dans cette banlieue blanche, de dire au monde leur vie en croyant qu'ils peuvent la partager avec tout ce monde qui n'est pas le leur. Et, pendant quelques morceaux musicaux, alors que je parcours la campagne sarthoise et normande, mon auto-radio me donne la sensation que cette Amérique est mienne, que je partage avec eux le plaisir d'un film avec Denzel Washington ou un match de basket alors que, dans la cuisine, des cookies pré-cuisinés sont en train de dorer dans le four.
Et, quand on commande sur internet leur album, qu'on le reçoit à la maison, on comprend que tout est fait à la main.
Et l'album arrive dédicacé. Oui décidément, cette candeur est leur force. Merci.