Je cherche...
Et je trouve ça :
Je l'avais oublié !
Il ne s'agit pas à proprement parler d'un livre mais d'un grand portfolio contenant 8 grandes images panoramiques pliées en trois de presque un mètre de long. Le principe en est fort simple et c'est d'ailleurs ce qui fait son intérêt. En 8 dates, nous voyons les transformations d'une ville au fur et à mesure des chantiers et de son histoire. On pourrait rapidement croire qu'il y a là une dénonciation facile du bétonnage et de la modernité mais il faut bien regarder les images et surtout lire aussi le texte d'introduction de Jörg Müller pour comprendre qu'il est surtout question ici d'un outil de perception au service des jeunes lecteurs, car, ne l'oublions pas, cet ouvrage leur est d'abord destiné.
Dans un dessin réaliste aux détails appuyés, Jörg Müller permet ainsi aux enfants (et à nous !) de comprendre comment doucement ou parfois brutalement des changements s'opèrent sur un lieu et ce qui va s'y maintenir dans les formes, les espaces ou les usages. Ici, le seul usage maintenu semble bien la circulation car le plan reste permanent. La ville est totalement imaginaire (est-ce bien certain ?) à ce point que l'on pourrait la croire allemande, française ou suisse, en tout cas européenne même si on pourrait y reconnaître la Fontaine de la Justice à Bienne par exemple. On pourra d'ailleurs suivre cette sculpture d'image en image. Cela est sans doute aussi l'un des points forts de cet ouvrage, cette capacité de synthèse d'une histoire urbanistique commune ! Seuls quelques mots nous rappellent l'origine suisse de l'auteur. D'autres détails aussi, très menus, très sarcastiques, très précis me font penser, toutes proportions gardées à la peinture des Pays-Bas comme Brueghel par exemple. Les chiens y font caca et les enfants font des blagues aux passants ou fument des cigarettes en cachette. Ce plaisir des détails offre l'occasion aux enfants d'entrer dans les images et de s'y reconnaître mais aussi de jouer davantage et donc de saisir et aimer lire les transformations et leurs raisons. Quelques références sautent aux yeux, ici Raymond (?) Lœwy, là Calder, ici Escher ou encore une affiche annonçant une exposition Le Corbusier. L'auteur semble beaucoup aimer les belles automobiles.
Je le répète, il n'y a pas de jugement a priori même si l'avant-dernière image est une manifestation contre les travaux... Mais bien entendu, cela entraîne tout de même chez le regardeur une nostalgie, un sentiment étrange que même moi qui aime le béton et les périphériques je ne peux m'empêcher d'avoir ! Je me demande en fait si la solution pour maintenir une neutralité bienveillante n'aurait pas été de simplement commencer la pagination par la modernité puis, image par image de nous ramener vers le passé faisant donc du présent un état de fait et non une conséquence malheureuse !
Enfin... Reste un ouvrage spectaculaire, joyeux avec souvent de l'humour, capable en effet de faire comprendre à un jeune public que les modifications parfois louables et même nécessaires à notre monde entraînent, de fait, des pertes dont il faut toujours mesurer l'importance. Cela permet aussi de dire que cette transformation est toujours à l'œuvre, toujours possible, cela raconte la malléabilité d'une ville dont les citoyens devraient en grande partie rester les seuls décisionnaires de ses transformations.
Remercions donc Jörg Müller de nous avoir donné cet outil beau, riche et aussi, finalement très précis.
Pour information, mon édition est de 1979, à l'École des Loisirs, grande maison !
Régalez-vous !
Mercredi, le 6 mai 1953
Jeudi, le 16 août 1956
Vendredi, le 20 novembre 1959
Samedi, le 19 janvier 1963
Dimanche, le 17 avril 1966
Lundi, 14 juillet 1969
Mardi, le 3 octobre 1972
Mercredi, le 7 janvier 1976
Ce petit personnage penché sur sa table de travail ? Jörg Müller lui-même ?