Je me rappelle un jour béni où Monsieur Ramondot se penchant par-dessus mon épaule voûtée de dessinateur de lithographie me dit l'air de rien, l'air de tout, que je dessinais les nuages comme Saul Steinberg. Je me rappelle précisément que ce fut la première fois que j'entendis ce nom. Je me rappelle également que je me précipitai à la documentation de l'école pour voir qui était ce type dont je copiais les nuages. Je compris alors comment Jacques venait l'air de rien : 1 de me faire le plus beau compliment de ma vie de dessinateur, 2 que je venais de découvrir après Topor l'un de mes plus grands libérateurs. Je reviens de la visite de l'exposition qui lui est consacrée à la Fondation Henri Cartier-Bresson et je fus une nouvelle fois ébloui et heureux. Maîtrise parfaite de sa liberté, connaissance totale des genres et applications ironiques de ceux-ci en des mélanges habiles et courageux, prise de risque des matériaux et passage au-delà de l'impossible combinaison de l'encre de chine et du crayon de couleur. Que dire encore de ce jeu entre dessin imité, dessin imprimé, dessin multiplié ?
Que dire du génie de la situation et de l'observation ? Une perfection.
Je compris rapidement en quoi Jacques s'amusa de tout cela et comment en hommage déclaré et distancié il puisa dans ce fonds dont d'ailleurs il avait la liberté de se passer et la force de s'y laisser prendre. Comment aussi Jacques savait nous emmener vers nos terrains de jeu, nous montrer délicatement le chemin sans écrasement et en toute générosité en mettant en avant le plaisir de la rencontre et en dévoilant les filiations mystérieuses qui peuvent exister entre un roumain américain, un parisien né la même année que Mickey et un jeune étudiant enthousiaste et récalcitrant.
Alors je ne finirai pas de les remercier tous les deux et la meilleure façon de le faire c'est de proclamer la nécessité pour certains d'aller y voir. (suivez mon regard vers le Mans).
Alors je n'en finirai pas de voir Saul Steinberg pour Jacques, d'engloutir ses dessins, de piller, de voler et d'aimer pour lui ce génie. Il suffit parfois d'un souffle au-dessus d'une épaule au travail pour qu'une énergie se déploie. Une seule chose impossible à combler : l'absence de Jacques.
2 commentaires:
http://swissmiss.typepad.com/photos/uncategorized/2007/09/30/gallery_untitled1948.jpg
...!
Je crois que le plus important dans ton commentaire Justin c'est les points et point d'exclamation. Surprise, admiration se combinent dans cette ponctuation. Es-tu allé voir cette exposition de Steinberg ? Il te faudra alors tant de points et de points d'exclamation que tu pourras tirer des lignes. C'est le plus bel autoportrait de dessinateur que je connaisse. Belle journée à toi.
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