Oui, et la Tour Eiffel ?
Je ne vous en parle jamais de la Tour Eiffel !
Et
bien nous allons débuter cette année avec l'icône de l'architecture
française et même mieux, nous allons réaliser un article traversant
puisque celui-ci sera posté également sur mon blog d'architecture et de cartes postales. En
effet, nous allons aussi parler de dessins et d'illustrations avec la
participation exceptionnelle de Jacques Ramondot mais aussi de...Le
Corbusier !
D'abord, l'objet le plus récent :
Ce livre de Jill Jonnes, sobrement intitulé la tour
et un très beau et intéressant ouvrage sur, comme son titre l'indique,
la Tour Eiffel mais aussi et surtout sur l'exposition de 1889 qui vit la
construction tant contreversée de la dite tour.
Jill Jonnes
réussit à nous plonger dans l'époque, à nous raconter l'épopée de cette
construction par un foisonement bien ordonné de documents et de
témoignages qui rendent le texte passionnant comme une aventure de Jules
Verne. Alors, Jill Jonnes étant américaine, elle use d'un angle
particulier et nous parle surtout des déboires et richesses de quelques
héros contemporains américains venus à cette exposition comme
l'incroyable Buffalo Bill, la tireuse d'élite Annie Oakley et le célèbre
Edison dont Jill Jonnes, en américaine convaincue nous dit qu'il
inventa le cinéma en oubliant...les Frères Lumière.
On
ne lui en veut pas tant le livre est bien écrit, haletant et généreux
quant à la reconstitution de l'époque. On visualise les états du
chantier, les contre-temps, on a peur que cela n'aboutisse pas alors
même, évidement, que l'on connait la fin heureuse de l'histoire ! Le
livre est illustré de quelques beaux documents ce qui ajoute à notre
plaisir de plonger dans l'histoire. L'écriture est claire, sans
prétention et met en relief surtout les événements et péripéties. C'est
juste. Un très bel ouvrage donc sur une construction, ses objectifs
politiques, d'images, et techniques et sur l'élan d'une époque.
Mais
voici que l'envie me prend de vous parler d'un autre ouvrage sur la
Tour Eiffel auquel je tiens particulièrement. En effet, Jacques
Ramondot, celui qui m'a appris à aimer ce que je suis, celui qui m'a
appris à aimer l'estampe et donc à savoir comment elle est fabriquée
nous raconta un jour, que jeune homme, il avait eu la commande
d'illustrations pour un ouvrage sur la Tour Eiffel et que, maintenant
plus âgé (beaucoup plus !) il avait du mal à se retrouver dans les
images qu'il avait produites !
Voici l'ouvrage :
Bien
évidement, je voulais voir ça ! Et je me précipitais pour en trouver un
exemplaire ! L'ouvrage est écrit par Charles Cordat aux éditions de
Minuit et fut publié en 1955. Jacques Ramondot étant né en 1928, il
avait donc 27 ans... Je n'ai pas d'informations sur le comment de cette
commande à Jacques Ramondot mais je me souviens bien de son amusement à
retrouver ces images, mais je me souviens aussi d'avoir été surpris de
trouver dans l'ouvrage une préface de Le Corbusier ! Superbe d'ailleurs
et que je m'autorise à vous offrir en entier car il est plaisant de voir
ce que le plus grand architecte du vingtième siècle pouvait bien penser
du plus grand ingénieur en construction du dix-neuvième siècle !
(pour une lecture plus aisée, cliquez sur les images)
On
y lit le toujours et permanent hiatus entre architecte et constructeur
mais surtout, ce qui me frappa, c'était que Eiffel est pu parler à Le
Corbusier par téléphone en 1923 ! Incroyable ! Et incroyable ici, de
retrouver finalement Edison ! Un américain invente une machine pour
qu'un architecte franco-suisse puisse parler avec un ingénieur français
d'origine allemande. La boucle est bouclée. Le texte de Charles Cordat
nous raconte lui aussi l'histoire de la conception et de la construction
de la Tour Eiffel avec tous ses tracas, chiffres et aventures dans le
plus pur style de ce genre d'ouvrage mettant en avant l'aventure
scientifique et mécanique de la tour. On y apprend aussi que la Tour
Eiffel est un monument de dessins puisque 5300 dessins furent
nécessaires et qu'ils couvrent une surface de...4000 mètres-carré ! On
posa en moyenne 1650 rivets par jour...On n'oublie pas non plus de nous
rappeler que la Tour à ses débuts était recouverte d'un beau rouge
vermillon. Je me souviens également de ce calcul :
Mais
revenons aux dessins de Jacques Ramondot. On y voit un très épais,
large, puissant, presque clos qui définit vigoureusement les formes
comme le fait souvent la gravure sur bois ou le lino. Il s'agit sans
doute de faire des images très vivantes et solides frappant
l'imagination. On y retrouve Masereel ou Derain. Il y a aussi un goût
simple pour l'imagerie populaire, comme les traces d'un accord avec
cette tradition : faire des images comme on en fait chez Pélerin pour
les images d'Épinal. Cela change bien sûr de la production de Jacques
Ramondot, celle qui suivra car il quittera la gravure en bosse pour
celle en creux de l'eau-forte. Pourtant, cette œuvre de jeunesse, de
commande de l'un des plus grands graveurs du siècle passé, offre toutes
les qualités de tendresse, de sensibilité et d'humour que ce jeune homme
de 27 ans libérera plus tard, à sa maturité d'artiste. Ne rien perdre
de son être, ne rien lâcher de cette joie tout en étant lucide à ces
qualités, c'est bien là Jacques Ramondot.
Il faut aussi dire que
l'impression de l'ouvrage laisse un rien à désirer, imprimer un peu vite
et pour pas très cher sans doute, les noirs y sont un peu creux en
encrage. Mais ne boudons pas notre plaisir.
Voyez :
Comme
nous sommes aussi sur un blog de cartes postales, je vous en offre
quelques unes. L'histoire de la Tour Eiffel et de la carte postale sont
liées dès 1889, elles sont nées en même temps l'une servant l'autre. La
Tour Eiffel fut éditée à des millions et millions d'exemplaires et le
sera à l'infini. Elle sera peut-être même, si cela doit prendre fin, le
dernier bâtiment représenté ainsi ! Alors, je n'ai rien d'extraordinaire
dans ma collection sur cet objet mais que quelques petites choses
jolies et curieuses. Je vous les donne à voir. Elles disent que
l'originalité d'une construction, sa force constructive, sa
représentation donnent surtout envie d'en montrer son cliché rêvé bien
plus qu'une invention d'image. Maintenir ainsi, à ce point un cliché,
c'est bien le grand œuvre aussi d'Eiffel. C'est l'accord parfait entre
un signe, une image, une raison et surtout, c'est de l'architecture.
On
commence avec cette carte postale datant de 1915 et qui prouve bien que
pendant la guerre on continue à regarder la Tour Eiffel et même à jouer
avec elle. Lisez bien le titre de celle-ci ! L'humour sur les risques
de voir arriver les Zeppelin allemands y est assez fréquent avec ce
type de trucage. Je possède une carte postale de la Colonne de Juillet
qui se gondole aussi de la sorte ! On s'amuse aussi du jeu avec le
copyright en lisant l'inscription " reproduction autorisée pour les pays
Boches et Consorts" !
Poursuivons
avec un épisode bien connu de l'histoire de la Tour Eiffel, celui de
l'inscription sur celle-ci du nom du constructeur automobile Citroën qui
réalisa ainsi, en un hommage inconscient, l'un des plus gigantesques
Ready-Made de Marcel Duchamp ! On s'étonne d'ailleurs que ce Marcel
Duchamp n'est jamais évoqué à ma connaissance cet épisode populaire et
publicitaire du ready-made. On trouve ici dans l'ouvrage de Charles
Cordat une explication de ce beau geste commercial, la carte postale est
une édition P-C Paris non datée :
Voici
une vue beaucoup plus récente mais troublante. D'abord parce que la
Tour y est peinte encore de ce rouge étonnant que nous avons oublié
aujourd'hui. Puis, ensuite autre détail curieux, l'année 1964 est
inscrite sur la Tour Eiffel. Pourquoi ? Passage d'année sans doute ? On
notera aussi que cette magnifique prise de vue aérienne fut réalisée par
un photographe que nous connaissons bien sur ce blog et que nous
croisons souvent, c'est Monsieur Alain Perceval. Il est bien nommé par
l'éditeur Yvon sur cette carte expédiée bien tardivement en...1985 ! La
carte aurait-elle été éditée pendant aussi longtemps ou s'agit-il d'une
récupération d'une carte ancienne expédiée par sa correspondante ? Je
penche pour la première solution vu l'état et le mode d'impression !
Finissons
avec cette carte postale de la Tour Eiffel mettant en avant l'une de
ses particularités techniques : les ascenseurs. Jill Jonnes nous en
raconte avec passion dans son livre les difficultés de création et les
rapports houleux entre Otis, le fabricant américain et Eiffel ! Ce fut
une lutte technique mais aussi d'image et de fierté nationale pour la
France et les U.S.A ! Il s'agit bien là pour l'éditeur ELNACAP de tenter
une approche plus originale de ce monument et d'offrir aux amateurs de
techniques un détail intéressant pour palier à une connaissance par trop
universelle de l'objet. On trouve souvent ce genre de détails sur les
cartes postales représentant des objets du génie Civil. On impressionne
le correspondant non pas tant par l'image trop connue mais par les
particularités techniques. On y voit aussi des désaccords sur le nombre
de rivets avec Charles Cordat !
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