mercredi 15 mars 2017

la déconstruction

Nous allons refaire un article transversal allant du site de cartes postales à celui de lithographie car, aujourd'hui, je vais à nouveau évoquer le grand David Macaulay.
Cette fois, il s'agit de son ouvrage La déconstruction ou la mort d'un gratte-ciel, publié en France en 1981 au éditions du Coq d'Or.
Comme pour l'ouvrage La civilisation perdue, naissance d'une archéologie, David Macaulay s'amuse avec nous du futur. Ici, l'idée est simple : un prince saoudien très riche décide d'acheter et de démonter l'Empire State Building pour le reconstruire chez lui dans le désert et en faire le siège de son entreprise de pétrole ! Oui...
Cette idée drôle et bien évocatrice de la manière dont on pensait les relation internationales avec les nouveaux riches du pétrole va avoir un intérêt pédagogique puissant. Il s'agit de nous raconter à la fois la construction et la déconstruction d'une architecture et donc d'en comprendre par le menu la manière dont elle est construite, de saisir toutes les particularités car l'auteur, David Macaulay, pour ce qui est de la précision ne fait aucune concession à la fantaisie. Mêlant ainsi habilement humour, fiction, histoire et réalité d'un monument, il nous le donne à voir avec un tout autre regard dont, bien entendu, la très belle qualité de son dessin, soutient l'idée. Chaque page est superbe et la composition claire et très blanche laisse le trait fin et précis prendre le dessus. C'est vraiment très beau et surtout très sérieux et didactique. Les plongées, les perspectives audacieuses, la récurrence de certains points de vue montrant la descente de la tour ajoutent encore au plaisir de la lecture.
Un glossaire technique vient même clore l’ouvrage. On notera aussi une connaissance poussée des modes réelles de démontage. On imagine notre auteur faire toutes les recherches possibles pour ajouter de la crédibilité. L’entreprise de déconstruction se nomme en français Lecasseur...
Malheureusement, une fois démonté, l’Empire State Building est empaqueté dans un navire qui viendra s’échouer contre...un iceberg venu apporter de l’eau douce au dessert et sombrera corps et biens dans le golfe persique...Titanic au soleil...Il ne restera rien d'autre du géant qu’une épave au fond de l’eau, bien loin de New-York.
Aujourd’hui, on regarde le dessin de Manhattan de David Macaulay avec un autre œil. Au loin, au bout de la presqu'ile new-yorkaise, David Macaulay avait dessiné les tours jumelles du World Trade Center. Un peu frêles, un peu lointaines, à peine ombrées, elles racontent dans le drame de l’histoire que nos belles architectures peuvent bien pour une réalité ou pour une fiction disparaître pour de bon.
Étrange prémonition, le livre se termine sur l'érection d'un monument dédié à la tour disparue...
Et, saurez-vous trouver la main de King Kong ?

la déconstruction ou la mort d’un gratte ciel
David Macaulay, éditiond deux coqs d’or
traduction de Nelly et Roger Hanoune
isbn-0-395-29457-6

5 euros chez un bouquiniste.























Comme nous sommes aussi sur un site de cartes postales, je vous propose quelques cartes postales de l'Empire State Building.
D'abord une image trompeuse et aussi amusante par son auteur :



Cette carte postale en noir et blanc n'est effectivement pas ancienne. De plus son auteur serait...Battman lui-même ! En effet c'est bien le nom de l'éditeur qui propose aussi une adresse internet www.Battmanstudio.com dont je retiens surtout cette édition :
https://battmanstudios.com/product-category/nycfirefighterscalendar/
Une autre ?



Cette carte postale est une édition Nester's Map and Guide Corp. Non datée, elle doit avoir été imprimée dans les années cinquante. Elle donne peu d'informations à part la hauteur de 1472 pieds et la date d'érection, 1931.
Encore ?



Cette fois c'est la Manhattan Post Card qui s'y colle avec cette belle carte postale venant d'une photographie de James F. Doane. La carte fut éditée en 1961.
Du même éditeur, non datée et la nuit venue :



Comme les plaisirs ne viennent jamais seul, mon ami Olivier Bobe m'offre ce très beau dépliant de L'Empire State Building datant du milieu des années soixante. J'aime son plan en fish-eyes, sa typo et surtout, surtout qu'il fut Lithographed in the U.S.A ! Comme quoi la transversalité entre mes blogs est bien respectée !










dimanche 12 février 2017

Le Cahier dessiné, onze, outil

 

Peu d'aventures éditoriales en France ont su devenir à ce point indispensables et attendues. Il en est ainsi du Cahier Dessiné de Frédéric Pajak dont chacune des livraisons est pour moi l'occasion de retrouver de vieux amis ou d'en découvrir des nouveaux.
Le dernier numéro est un énorme volume, gros, pris un peu par une obésité joyeuse, dont chaque page vous régale.
Mais surtout, surtout, cette fois, j'ai pris le pari de lire à mes étudiants l'introduction de ce Cahier Dessiné. Frédéric Pajak y fait un éloge de l'outil et de la manière dont un artiste se doit (oui du verbe devoir) se doit de tenir et de trouver son outil de dessin non pas comme un pis-aller mais comme un objet libérateur permettant d'inventer une nouvelle traduction du monde.
C'est un texte pratique pour un enseignant car Pajak situe d'abord son texte dans une école d'art mais surtout, au-delà d'une vision que certains verront comme un peu réactionnaire, il raconte avec justesse, les question du dessin, de sa manière à être un chemin, de comment on s'empare ou non des outils qui le fondent.
Alors, ensuite, après cette introduction, il est aisé de voir ou de lire donc de penser si les exemples qui y sont donnés sonnent juste à cette leçon.
Tout comme dans le premier numéro de la revue Cahier Dessiné, on trouve le collage improbable d'artistes se faisant écho ou s'opposant, distribuant ici un imaginaire débridé ou, au contraire, une vision du réel acérée. (Adrien Neveu)
Mais où les trouve-t-il tous ces dessinateurs ? Est-ce que Pajak, de porte en porte, tel un colporteur, part sur les chemins, d'une réputation vers un conseil ?
Dans ce numéro, je m'autorise à vous dire mes préférés. C'est mon droit de lecteur non ?
Mais, faites comme moi. D'abord chez votre libraire indépendant, achetez ce numéro des Cahiers dessinés. Puis, jalousement, pour vous, l'ouvrage lourd sur les genoux, régalez-vous en solitude avant de rapidement le mettre dans les mains de ceux pour doivent le lire (oui doivent du verbe devoir, toujours), les jeunes dessinateurs et dessinatrices.
Alors, viendra la parole, les avis, les goûts et même les dégoûts mais surtout les jalousies...
Dans ce numéro, je retrouve mes jalousies pour Topor, j'aime lire le témoignage de Sonja Hopf et revoir ses belles gravures, j'aime toujours autant dessins et puissance de Willem.
Mais si je devais garder une jalousie à l'instant découverte, je garderai celle des paysages absolument magnifiques d'Adrien Neveu.
Les images un peu floues qui suivent ont vocation à vous donner envie d'aller voir. Allez voir !
Bonne lecture.

Le Cahier Dessiné N° 11
collectif sous la main de Frédéric Pajak
édition les Cahiers Dessinés
isbn : 979-10-90875-34-0


Alexeï Soundoukov

Marianne Wylder



Romain Slocombe

Roland Topor et Sonja Hopf

Sonja Hopf


Sonja Hopf

 


mardi 6 décembre 2016

Aquarelleur

 Dictionnaire Larousse, 1895, version spéciale "Beaux-Arts" :
Aquarelleur : n.m (s) machine ou dispositif mobilier permettant de peindre en couleur et à l'aquarelle des tableaux, des estampes, des images populaires ou des cartographies.
Cit : " Pécuchet commanda son aquarelleur directement à Paris dans l'une des plus grandes maisons de fourniture pour artistes. Lorsque son aquarelleur arriva enfin en caisses et en pièces détachées à son domicile, il ne sut le monter. C'est Bouvard qui vint à sa rescousse, le traitant alors d'aquarelliste du dimanche matin." Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, 1881

Oui, j'ai dû en passer par là pour entreprendre la colorisation de ma géante estampe réalisée sur l'invitation de Philippe Martin à l'école des Beaux-Arts de Rouen. ne trouvant plus de fournisseur, j'ai dû inventer avec mes moyens cette fabuleuse machine aujourd'hui bien rare. J'avoue n'en avoir jamais vu nulle part de ces aquarelleurs !
Ne pas confondre avec l'aquarelliste qui est celui qui utilise l'aquarelleur.
Il me fallait de toute manière trouver une solution pour pouvoir ainsi m'offrir au moins une de ces grandes estampes représentant les premiers noms propres que je voulais aquareller comme je le fais de mes lithographies.
Souhaitez-moi une meilleure chance que ce pauvre Pécuchet.
Voici donc ma version de cet aquarelleur :
















dimanche 23 octobre 2016

Alain Grée le Grand

Il y a des illustrateurs que l'on retrouve souvent, qui ont modelé vos souvenirs d'enfance à grands coups d'aplats colorés et joyeux.
Alain Grée est de ceux-là.
Il m'est toujours difficile de ne pas acheter pour quelques centimes l'un de ses ouvrages lorsque j'en trouve. Ce fut le cas, ce samedi aux Emmaüs. En plus, joie plaisante, l'œuvre d'Alain Grée est prolixe, il est donc aisé de se faire plaisir.
De cet illustrateur, on chante souvent la simplicité analytique de ses gouaches, leur manière de faire image par la couleur, la reconnaissance immédiate des visages de ses personnages ou de la ligne noire découpant le blanc des espaces. Il y a dans les livres d'Alain Grée, cela ne fait aucun doute, une écriture.
Mon œil y reconnaît de suite mon enfance.
Mais cette simplicité qui dit tout, qui ne dit rien, ne suffit sans doute pas à qualifier l'ensemble des qualités des dessins et gouaches d'Alain Grée. Il faut y ajouter une lecture possible car amené à un point irradiant de clarté qui, évidemment pour des enfants, est à la fois utile et surtout poétique. On aime toujours comment si peu de lignes, si peu de formes se lisent dans une synthèse qui produit et invente une image. On verra qu'il existe parfois aussi des matières, des crayonnages qui font monter le grain d'un papier ou le sec d'un pinceau pour définir une masse. C'est subtil, bien construit et surtout d'une puissance des couleurs et de leur justesse tonale absolument parfaite. Joie !
Alors voici des exemples tirés de deux ouvrages entrés depuis hier sur les rayonnages Enfantina de ma bibliothèque. Il s'agit de Un courageux petit marin, texte et dessins d'Alain Grée, éditions Fleurus, édité en 1964 et de Moustique et Barbe-Bleue de Paul Guth pour le texte et d'Alain Grée pour les images, un grand et superbe album aux éditions Casterman datant de 1959 ! Deux ouvrages dans un état remarquable et qui finissent tous les deux par le dernier dessin d'un coffre au trésor qui dit bien finalement que les illustrations d'Alain Grée resteront, pour moi, à l'image de ces coffres, ouverts sur des pierreries et des clefs utiles aux rêves enfantins.
On aura, sans doute l'occasion, à de multiples reprises, de retrouver dans d'autres articles, le travail d'Alain Grée.







 


 

J'aime l'audace du point de vue :



Parfait archétype :

 


 

J'adore la radicalité presque abstraite de cette bibliothèque :