samedi 19 juillet 2014

Saul Steinberg vos papiers !




Rarement un dessinateur n'a autant joué avec sa pratique, ne s'est amusé de tous ses désirs de traits, n'a jubilé de tout, n'a affronté son imagination avec l'ensemble de ses outils et tout cela avec calme, distinction, et humour.
Saul Steinberg aura su jouer sans que cela ne soit de l'enfantillage ou de la naïveté, il aura su rapprocher l'objet, son signe, son usage par quelques lignes, il aura su être économe sans perte et surtout sans sécheresse. Il est de ceux qui définissent leur art en le faisant et ce dessin, celui-ci en particulier dit absolument tout de Steinberg, la boucle est bouclée :


Je possède un exemplaire de ce qui est certainement l'un des plus beaux livres de dessins du XXème siècle The Passeport. Mon exemplaire est un peu défraîchi mais, voyez-vous, il me suffit de l'ouvrir pour que j'oublie ses stigmates et même que je les accepte comme les preuves de son usage comme aurait pu le faire lui-même l'auteur.
On nous prévient dès l'entrée du livre qu'il y aura des fausses signatures, des fausses gravures, des faux tampons car Saul Steinberg joue avec tous ces types de représentations mais surtout avec notre attente de cette typologie. C'est ce qui est unique, ce jeu avec nous. Toutes les plasticités du trait sont utilisées, hachures, empreintes, cursives. Tous les représentations à l'imitation des styles sont éprouvées parfois dans une seule scène et concrétisent les caractères. L'accumulation ici fait sens.
Il laisse à Sempé le style fouillé-vite, il laisse à Topor l'étrange-malhabile. Saul Steinberg est une conscience permanente à son dessin qui est toujours, finalement, une forme d'autoportrait : il est parfois américain, touriste, petit bourgeois dans les salons, bonhomme timide. Il est surtout de ces artistes toujours chez eux, toujours nulle part, tellement américain d'Europe.
Si on essaie d'être comme lui désinvolte, on s'aperçoit qu'il est en fait précieux, et si on essaie d'être comme lui précis, il nous manque sa liberté. Non, il n'est pas enfantin. Il tient son enfance avec fermeté, à distance, jaloux. il la laisse parfois poindre comme pour nous piéger à cette facilité. Et paf !
C'est l'arabesque parfaite, la tromperie rigolarde.
Alors aujourd'hui on dirait que The Passeport c'est un livre politique jouant cruellement avec les représentations de l'autorité et de ses documents. Quelle connerie !
The Passeport c'est celui qu'il nous tend, nous montrant ses papiers, ses gribouillis, ses histoires. Et, il nous dit calmement : "Voilà, et toi ? les tiens ?"








Exemples superbes de tautologie, le dessin d'un dessinateur qui se perd dans sa ligne ou qui se barre d'une croix !


Le dessin partout joue avec les objets et les lieux et avec la photographie :






Magnifiques réductions graphiques poussées presque à la disparition, le deuxième joue même de la transparence du papier !





être son propre collectionneur d'expressions graphiques et être le père de David Hockney :




ne pas donner assez de place à la pensée en peinture...


....et trop à la signature...




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