jeudi 15 août 2024

Naked Festival, le plus beau livre de ma bibliothèque ?

 


Il y a déjà quelques années, lors d'un séjour de gardiennage de maison dans le Loiret (que voulez-vous...faut bien nourrir les chats) j'avais acheté ce livre m'irradiant dès sa première rencontre. Mais, ce qui est curieux, c'est que tranquillement ce livre a pris une épaisseur, une sorte d'évidence qui allait naitre d'autres rapports à la littérature et notamment à mes lectures de Yukio Mishima.

J'aime Yukio Mishima un peu trop. Je veux dire qu'il me tente, son exemple me tente car, pour ce qui est de son génie il est trop loin pour mes pauvres capacités.

Naked Festival
Photographs by Tamotsu Yato
introduction by Yukio Mishima
Weathermark éditions 1969




Comme un à rebours amoureux cela donne alors au livre une sorte de vertige et en même temps de proximité, comme si ce lien du désir homo-érotique retrouvait là une densité. La charge en quelque sorte était à son comble, prête à exploser.

Attention ! Ce livre est dangereux car il vous plonge d'un coup, dès les plats de couverture, dans un bain d'hommes, littéralement, un bain de masculinité, de sueur, de poils, de corps, de boue, de joie et de virilité heureuse et, heureusement, oui, totalement exclusive.

Exclusive.
Vous comprenez ?
Peut-être sera-t-il, ce livre, un jour interdit par la petite garde moralisatrice actuelle.
En attendant, je me repais de ces pages sur lesquelles s'impriment plein format, buée comprise, les foules d'hommes en charge de la cérémonie. On est pris d'ivresse.

La fête de l'Homme Nu c'est vingt mille japonais seulement vêtus d'un pagne qui célèbrent à Okayama une tradition vieille de cinq cents ans. Cette densité dans l'égalité des corps est en quelque sorte ce qui en construit sa force et son bonheur. Peau contre peau, parfois rudes, parfois enjouées, les photographies de Tamotsu Yato ne nous laissent aucun répit, aucune échappatoire, on est emmenés, portés littéralement par la foule de ces hommes.
Ne demandez pas de vous raconter ni la cérémonie dans son détail ni son sens,  il vous suffira de quelques recherches pour ce faire mais ce qui est certain c'est que sans exotisme, sans distance, ce livre construit un rapport au corps masculin qui déborde très largement les questions de leur culture d'origine et, comme toute oeuvre d'art, permet aussi de se sentir concerné et habité par ce qui nous est pourtant étranger. Dans cet ordre, et en retour on peut dire que Mishima est bien le plus juste et le plus beau des Saint-Sébastien.
Et dire que certains se plaignent de l'appropriation culturelle...

Aimons ce droit à ce que dans son introduction Mishima appelle : "naïveté primitive" et aussi "all the primitive attributes of man". Une méfiance si ce n'est une rage contre la modernité consumériste, déjà en 1969.

On aimera aussi l'incroyable qualité éditoriale de l'ouvrage. L'impression en noir mat et en héliogravure est parfaite, la mise en page est d'une hallucinante virtuosité (gestion des séquences, des grains, des zooms). Rien à redire. Mon exemplaire est en bon état. Je ne l'ouvre qu'avec beaucoup de précaution, à mon tour dans une sorte de cérémonie que je me refuse à trop partager. C'est, sans doute, ma pudeur.
Alors, après la lecture, un peu d'encre reste toujours sur mon doigt. C'est là un érotisme qui me réjouit, l'une de ses preuves en quelque sorte.

Alors laissez-moi croire que je suis de ces images, que j'en fais partie, que je suis de ce monde-là. Laissez-moi croire qu'un jour j'irai les rejoindre, que j'irai sur les traces de Mishima et de Yato, que j'aurai la certitude qu'ils avaient raison. Yukio, appelle-moi Yukio dorénavant.









































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