samedi 20 août 2022

Rafraichissement d'une gravure : un caprice hygiénique

Cela fait plusieurs années que cette gravure attendait mon bon désir de lui redonner une belle fraicheur, je n'ai pas osé dire restauration car la restauration de gravures anciennes est un métier que je ne veux pas galvauder. Mais il est possible avec quelques gestes simples et peu d'outils de redonner à nos belles gravure anciennes un peu de jeunesse et de les sauver des outrages du temps.
D'abord la gravure : Le titre Caprice hygiénique (et non hygiéniste) ne laisse aucun doute sur la raison de cette image : un petit plaisir érotique. Le caprice est en fait une excuse pour nous montrer un corps féminin dénudé dans une pose acrobatique. La coquine est surprise, elle nous regarde dans les yeux. Au sol de l'appartement bourgeois (piano et peinture) les altères sont posées et la jeune femme en faisant le poirier à fait basculer le tableau. Pas de doute donc sur la destination de l'image mais cela reste gentil, tendre, comique ce que le mot caprice vient bien définir. Rien de graveleux, au pire un érotisme un peu bourgeois pour messieurs libidineux.
Mais toute la force de l'image est bien dans la pose absolument inédite, dans la représentation du corps féminin, surtout ici, un corps féminin qui se voudrait sportif, bien entretenu, dynamique. Quelque chose des plaisirs déguisés déjà du cirque, de la danse, du théâtre.
On a donc l'auteur de la peinture ou du dessin qui sera interprété en gravure : Bulteau. Trop peu de pistes sur l'Internet et je me demande si ce Monsieur Bulteau ne serait pas un pseudonyme autorisant son auteur à ses menus plaisirs. On a aussi le nom donc de son graveur d'interprétation (le même ?) A. Masson et le nom de l'imprimeur et éditeur Lemercier et Compagnie à Paris. Nous sommes dans la seconde moitié du 19ème siècle, la gravure n'est pas datée.
Pour info, j'ai acheté sous cadre cette gravure moins de 5 euros sur la foire à tout de Caudebec.
Immédiatement, je me suis dit qu'il me faudrait tenter une restauration ou au moins donc un bon nettoyage surtout à cause de cette tache brune qui traversait l'image, trace venant d'humidité oxydant les clous de fer insérés dans le cadre de piètre qualité.
Première étape donc : décadrer. Les baguettes étaient bardés de petits clous pour maintenir un carton de montage gonflé. Soyons prudent pour ne pas abimer l'image en allant trop vite. Puis il fallut décoller l'image de ce support, enfin surtout le papier de support de la gravure collé sur les quatre cotés ! Quel mauvais montage ! Mais cela a permit de donner de la marge à la gravure elle-même bien plus petite que ce papier de support. On notera d'ailleurs que la gravure est contre-collée sur du papier lourd, qu'elle fut tirée sur un papier très fin qui me donnera des frayeurs pour les étapes suivantes. L'éditeur avait installé la gravure dans une fausse cuvette d'un coup de planche fictif. Nous prendrons la liberté de revenir sur cette particularité.
Petit gommage de tout ce qui veut bien partir mais pas dans l'image. Ensuite dans une bassine à tirage photo, je verse de l'eau déminéralisée et...n'ayez pas peur...de l'eau de Javel en petite quantité. On laisse la gravure baigner dans ce liquide trente minutes, on rince en pluie et doucement. Attention à la pression de l'eau du robinet qui peut plier voir déchirer le papier. Puis on recommence l'opération moins longtemps et avec moins de Javel. Nouveau rinçage abondant. Pour sortir l'image de la bassine, la gravure étant pleine d'eau, il faut la laisser flotter et la saisir par le dessous, la supporter pour que la pâte du papier ne s'effondre sous son propre poids du papier mouillé. On place sous des buvards, sous des poids  et on laisse sécher en changeant régulièrement les papiers buvards. On finira enfin par des papiers de soie. L'étonnement vient qu'il faut attendre que la gravure soit sèche pour s'apercevoir du beau retour du blanc et de la disparition des tâches. Mais oui c'est efficace. Voyez-vous même !
Ne reste qu'à recadrer l'image. Je vais lui redonner un support neutre avec un papier 100% coton et un cadre contemporain car l'ancien doit être plein de bestioles et de champignons que la Javel a supprimer du papier. Et je ne suis pas assez respectueux pour m'embêter avec ce vieux cadre peu intéressant. Et voilà ! C'est simple mais il faut être délicat. 
À votre tour !

Voilà l'état à l'achat. On note le grande tâche qui traverse la gravure et son cadre. On voit au dos les petites pointes qui ont rouillé et le montage un peu brut :





On démonte et on regarde les dégâts :





On commence le nettoyage et les bains :





On retrouve la gravure, bien propre et saine. Le papier reblanchit au séchage. Ne reste que l'encadrement à refaire !



Nouveau cadre. J'ai opté pour un Nielsen assez sobre. J'ai finalement conservé le papier de support original mais tout le montage est en carton sans acide. C'est beau non ?





Voilà de quoi on est parti !
et où on arrive :





Maggie Salcedo enfin chez moi

Sur le champ de foire d'Elbeuf, il avait fière allure ce livre. Tellement frais que j'ai cru à une réédition et qu'il m'a fallu lire le colophon pour comprendre que le livre daté bien de 1948.
Ce qui est étonnant c'est que c'est bien la mise en page de la couverture et sa netteté qui me surprirent le plus. L'idée d'une telle simplicité est très moderne même si le dessin est lui plus marqué.
Accroupi devant le stand, je regardais les illustrations de Maggie Salcedo et je me demandais comment je ne pouvais pas déjà connaître cette illustratrice pourtant si brillante.
Le génie ici c'est aussi la radicalité parfaitement maitrisée du noir et blanc, j'ai envie de dire des fumées et des neiges.
Quel travail des lavis contre les lignes !
C'est à la fois très doux dans l'ensemble de l'image et incisif dans le dessin toujours impeccable. Les images prennent presque une page entière et l'album est très généreux en taille ce qui permettra à l'enfant d'entrer justement dans la matière des encres.
Pourquoi d'ailleurs avoir opter pour un simple noir et blanc pour un livre de cette échelle destiné à des jeunes plus enclin à des illustrés richement colorés.
Je reste stupéfait de cette qualité moderne. 
Vous trouverez en quelques clics toutes les informations sur cette illustratrice qui réalisa beaucoup de publicité et qui est aussi pour ce livre l'auteure du texte.
Allez, régalez-vous !

La mission du biquet
Maggie Salcedo
éditions Albin Michel, 1948
deux euros si on se lève de bonne heure.


















vendredi 22 juillet 2022

Georges Perec est toujours avec moi, toujours.

 Je n'ai pas fait beaucoup de photographies de cette dernière lithographie aquarellée. J'ai d'ailleurs eu du mal à me décider pour savoir laquelle passerait ainsi sous les pinceaux et la couleur. Ce qui est amusant aussi c'est que, dans le cadre de mon activité à la Oulipo, j'ai l'impression d'être, en fait, dans la seconde phase de mon projet de vie. Tout comme Bartlebooth, une fois les aquarelles de ses ports terminées, il rentre à la maison pour faire les puzzles. Voilà, j'en suis là. En quelque sorte, reprendre le travail d'une première phase du programme pour le regarder à nouveau, sous un nouvel angle. Poser de l'aquarelle me permet aussi de juger mon travail parfois une ou deux décennies après l'avoir réalisé. Je reste d'ailleurs étonné de la fraicheur de ma proximité avec des dessins parfois réalisés il y a plus de vingt ans.
C'est à la fois familier et déjà loin. Et mon jugement est sévère mais toujours aussi attendri en quelque sorte. Après tout, je me suis bien tenu à mon programme de vie. J'ai réussi à maintenir ce désir et Georges Perec lui-même n'a pas réussi à finir certains de ses programmes littéraires ! Alors quoi ? Pourquoi pas moi ?








lundi 31 janvier 2022

tuer le blanc

Depuis que j'ai pris la décision de colorer (coloriser ?) mes lithographies, j'avais comme méthode de surtout m'occuper du dessin lui-même, c'est à dire de tenir la couleur dans la vignette, en considérant le blanc du papier autour d'elle comme un vide sidéral, métaphysique, suspendant le sens dans une neige conceptuelle : la page.
Mais j'ai eu soudain l'idée de tuer le blanc du papier, du moins, totalement gratuitement, dans un pur esprit décoratif et bavard, de faire de cet espace inusité un vrai chant d'amour, un terrain de jeux.
En contre-partie, je laisserai tant que possible l'encre lithographique continuer de représenter les dessins.
On dirait un flipper, un carrelage, une mosaïque.
La stupeur un rien agacée de mes amis, l'incompréhension de ce désir me font réfléchir.
Ai-je bien fait si ce n'est : n'ai-je pas eu raison ?
Ne me demandez pas quelle logique soutient mes choix ici dans cet exemplaire unique, je n'en sais rien. J'ai joué.
Tout est tout de même parti du dessin en damier des mots autour du verbe croquer. Voilà, c'est parti de là. Une suite logique est survenue, réglant des problèmes de densité, de couleurs complémentaires, de jubilation de ces couleurs comme une explosion joyeuse. Rien de plus.
Tout est à l'aquarelle.
Ah aussi...j'oubliais...j'ai adoré faire ça mais je ne suis pas certain de réitérer l'expérience. Le blanc du papier me convient aussi très bien.
J'attends vos retours.

ps : la nappe au motif de cerise ne fait pas partie de l'œuvre, n'y voyez aucune déclaration conceptuelle sur la présentation de mon travail.








mercredi 13 octobre 2021

Fonctionnaire sur pierre

Voilà les deux dernières lithographies aquarellées. Je vais bientôt arriver au bout du retard et du à rebours.
La dernière fut un peu plus difficile à faire car presque trop encrée ce qui laisse peu de place pour la couleur même si l'aquarelle, étonnement, réussit tout de même à maintenir une force contre le noir.
Bonne visite.
Il me faut vite y retourner !