lundi 29 mars 2010

quelques poursuites

Aujourd'hui, le matin et l'après-midi.
Entre, Jan Voss et la voix de Philippe Martin au téléphone.
Belle journée.




Jan Voss sous les yeux

J'ai passé un très beau moment en me rendant ce jour à l'exposition sans papiers du Musée de Louviers qui décidément après Georges Rousse nous réserve encore une belle exposition.
Je connais bien, je crois le travail de Jan Voss et surtout par sa très belle et riche œuvre gravée et imprimée.
Je vous l'ai déjà dit il fait partie des libérateurs.
Il s'est en quelque sorte engagé sur un chemin tapissé essentiellement d'une grande jouissance plastique qu'il tire par la ligne et par la couleur.
Je faisais remarquer à Natacha que l'œil circule en permanence sur ses toiles, comme engagé sur un chemin fait d'une ligne souple qui rejoint des nœuds.
Les nœuds chez Monsieur Voss sont constitués de fragments de toiles découpées et peintes qui se rassemblent peu mais se dispersent sur la surface.
Comme des petites bourgades sur une carte Michelin, chaque fragment de toile possède un réseau fluide de lignes le liant aux autres. Un chemin donc tracé sans force, juste par les herbes couchées.
Et là, parfois à gauche, parfois à droite, droit devant ou derrière un aplat surgissent des figures.
Certains un peu rapidement les qualifient d'enfantines.
Je les dirais plus certainement essentielles comme irréductibles après être passées sous les mains de Monsieur Voss.
Des évidences presque comme le dit la langue anglaise, des preuves.
Merci Jan Voss, merci.
Et comme pour saluer ce travail, partout dans la campagne normande la ponctuation du jaune des milliers de forsythias au bord de la route.












dimanche 28 mars 2010

l'aile, l'immeuble et le crâne

Cette semaine au Mans sont sortis des presses de l'atelier de l'école des beaux-arts quelques travaux prometteurs, délicats et solides.
Commençons par le prometteur.

le cuivre et les épreuves.

Qi Zhuo est à l'école, en deuxième année du département Art.
Je vous montre une de ses gravures en taille-douce avec laquelle il a su bien maîtriser tout de suite le jeu pourtant parfois difficile de l'aquatinte.
Son registre d'images est celui de monstres anatomiques et particulièrement des squelettes.


Il est également un très bon tireur d'épreuves !

Maëlle Simon est en quatrième année du département Art. Elle poursuit un travail en peinture et en gravure mêlant le décoratif affirmé avec des pratiques de découpage et de collage aux couleurs parfois franches des tissus sous influence africaine.
En gravure, elle ose la réalisation de matrices en tissu et dentelle en tentant avec succès la récupération de trames décoratives. L'objet autant que son empreinte forment des dessins souvent légers.
Ici sa matrice est cousue de fils. Encrée, elle forme sur du papier pelure une image légère, aérienne, très prometteuse dans sa transparence. Une aile d'ange.

encrage et matrice.
Maëlle et son aile, votre serviteur et le tirage.

Le solide.
Marine Lévêque est une étudiante en cinquième année qui passera son diplôme bientôt.
Elle axe son travail sur des lieux en destruction, banlieues, barres d'immeubles, y trouvant un rapport quasi-physique qu'elle nous donne à voir très souvent dans des œuvres photographiques et gravées sévères.
Mais sa sévérité, elle l'inscrit avec une grande délicatesse plastique et une grande exigence.
C'est rude et jouissif.
Elle a ainsi beaucoup pratiqué le lino mais aussi les aquatintes.
Voyez :
la matrice et son épreuve.
Trois étudiants, trois niveaux d'études et la certitude qu'ils trouvent dans la pratique de l'estampe un lieu de découvertes et de réalisations souvent concluantes.
En tout cas, ils savent me donner l'envie de prendre la Twingo et de faire les deux heures de route pour travailler avec eux.
C'est déjà bien non ?

mercredi 24 mars 2010

très proche

Parfois lorsque je dessine ou pose l'aquarelle, j'ai la sensation exacte que mon œil part au contact de l'outil et de la feuille.
Je veux dire que, par un procédé cérébral qui m'est inconnu, mon cerveau me place tout près du motif.
Comme il ne s'agit pas d'une réalité effective, n'ayant pas encore la faculté de me réduire à ce point et cela malgré quelques tentatives diverses au cours de ma vie de certains environnements, je me suis dit que l'objectif de mon appareil photographique me permettrait d'aller y voir.
Et puis il faut bien vous donner une raison de publier l'avancement certes lent mais déterminé de ce travail.
Alors voilà :






mardi 16 mars 2010

Jan Voss sous la main



Dans la réserve, je suis allé chercher une nouvelle épreuve légère à aquareller.
Certainement la dernière de la saison car si le temps et le corps me le permettent je pourrai bientôt grainer une nouvelle pierre et reprendre le dessin.
Mais en attendant voici ce que je démarre.
Sous la main un carton d'invitation pour une exposition de Jan Voss.
J'aime son travail.
Et l'avoir sous la main ainsi me permet peut-être de me laisser aller à un travail aimé.
Les libérateurs sont ceux qu'on doit toujours avoir sous les yeux.
Je ne pense pas assez souvent à son travail, je n'en parle pas assez à mes étudiants.
J'en suis tellement désolé.




En attendant le poil de cul plein de couleur tente de libérer sa couleur sur la lithographie. Toujours, toujours envie du parfait compromis de pinceau : une grande réserve et une pointe la plus fine possible.
C'est difficile à trouver. Dans la quête du pinceau parfait quelque chose du pêcheur à la recherche de l'hameçon et de l'émerillon adéquats.
Mon père des heures chez les marchands d'articles de pêche...

Jan Voss
sans papiers
du 6 mars au 24 mai 2010
Musée de Louviers.

mercredi 10 mars 2010

a working class hero...



Voilà.
Une planche du dictionnaire de plus mise en couleur.
C'est toujours aussi long et finalement inutile car je suis le seul à vraiment en jouir.
Vous, au travers des clinquants écrans des ordinateurs, vous voyez et croyez bien voir.
On fait tous ça.
Mais comment faire autrement ?
La lumière du jour disponible au public est finalement bien rare et peu de blanc de mur m'est offert en ce moment.
Alors entre le moment où je finis ce message et le moment ou vous le regarderez sur un écran, la lithographie aura rejoint ses consœurs dans un sous-sol frais mais pas humide, dans un tiroir de métal.
Quand reverra-t-elle le jour ?
Peut importe.
Bartlebooth finissait bien son tour du monde en diluant ses paysages aquarellés dans les eaux des ports qui les avaient vu naître.
J'ai toujours, toujours, trouvé cette tentation du vide séduisante.
Mais j'ai quelques regards et jugements dont j'ai besoin avant.
Et à eux parfois je dis de croire encore.
Ne pas trop vite donner de leçons je devrais.
A working class hero is something to be... (acoustic)










lundi 8 mars 2010

la lithographie orthopédique

Parce que la nature est toujours la plus forte, il se trouve que la nécessité pousse à l'utilisation détournée de la lithographie.
Une pierre lithographique à l'épaisseur impeccable peut bien servir de repose-pieds.
La preuve :


Et quoi ?
Finalement sur ce morceau de sol bavarois, les petons de ma mère trouvent un repos (et une revanche ?) bien mérités.
Quant à moi, je reprends les hostilités de la couleur en essayant de couvrir l'encre un peu trop visible de ce tirage pourtant trop doux.
Dur donc pour l'aquarelle de venir dessus, mais elle y arrive la bougresse surtout si je m'applique à en user comme d'une gouache de luxe.
Et puis, tout de même ne pas trop masquer l'encre de mes lithographies car c'est bien elle qui porte mes pensées.




lundi 1 mars 2010

the pictorial Webster's

Je reçois de la part d'un généreux donateur en séjour à Boston cet étonnant ouvrage :




Déjà la couverture me fait frémir avec sa toile, son cartouche, sa pieuvre qui glisse et sa couleur verte qui n'est pas sans rappeler mon Larousse...
Mais voici que l'intérieur est à tomber !
Il s'agit, si j'ai bien compris avec mon anglais imparfait d'une collecte des vignettes contenues dans un dictionnaire américain, le Webster.
On retrouve bien ce genre avec son désir d'objectivité brisée malgré tout par ce style si particulier de la gravure sur bois et par le talent de ces dessinateurs et graveurs interprétant au mieux les mots et les dessins mais aussi manipulant notre imagerie mentale au point de nous faire croire que ces images sont LES images de ces objets et de ces mots.
Tout tient toujours dans la réduction du réel, comme une sauce.
Réduire ici n'est pas affadir mais faire venir l'essentiel, le soulever de son environnement pour en offrir une quintessence dont l'objectif éducatif semble débordé par sa poésie "malgré tout",
comme si être au plus proche d'une volonté objective et froide conduisait fatalement à un regard subjectif accentué et éveillé.
Tout tient aussi du rébus généralisé, les vignettes forcées qu'elles sont à des fréquentations contre nature sur les marges du livre. Et on y va dans un symbolisme, un surréalisme aisé et délicieux qui me font faire mon travail de lithographie.
Les images agissent là comme d'impossibles liaisons du monde pourtant effectives qui produisent l'essentiel : l'humour.
Mais...
Ce livre réserve des surprises bien cultivées et douteuses...
Ainsi :



Oui. Vous avez bien vu.
Marcel Duchamp.
Le texte nous parle de cela mais mon anglais est moins bon que celui de Marcel et je n'arrive pas à lire le double sens, l'humour dont il pourrait bien s'agir ici.
Car tout de même, si cette vignette existe réellement, le trouble duchampien, son invention, en seraient encore grandis. Non seulement le crépitement du feu de cheminée serait produit par le ready-made mais également par la réalisation concrète dans le réel d'une fantaisie d'image...
Dire qu'il y a encore quelques jour, Etienne Pressager me conseillait de faire des objets à partir de mes vignettes !
Décidément !
Il me faudra vraiment tirer au clair (Jean) cette allusion duchampienne outre-Atlantique !
En tout cas, Mister John M. Carrera fait là un bien bel ouvrage avec en plus un appendice sur les techniques et l'histoire de ces gravures sur bois.
Une très belle surprise oui.
Please Mister John M. Carrera, let put me in the picture !



des objets familiers et aussi très duchampiens !

Pour le donateur, ce grand verre dressé en perspective...


Sol LeWitt doit bien rigoler !

une tautologie offerte, le dictionnaire dans le dictionnaire...

Enfin, qui peut croire un seul instant que cette vignette provient d'un dictionnaire du XIXème siècle ! Comme la signature de la forfaiture parfaite de Mr Carrera ! Peut-être un autoportrait !
Je crois bien que nous avons affaire à un sacré zigue.