vendredi 28 juillet 2023

Johan Naldi ?! Venez à mon secours (mais je suis vivant encore)

Je vous laisse avec la lecture de mes deux dernières lithographies aquarellées. 
Je vous rappelle que vous pouvez faire acte d'achat et ne pas considérer que ce que vous regardez là, gratuitement, au travers d'un écran est suffisant pour satisfaire votre certitude d'être des amateurs d'art et que, loin de la prise de risque de l'engagement pécuniaire, la gratuité ne sert pas à l'avancée d'un travail.
Même si je sais que l'inflation a gagné notre monde (en tout cas le prix des poireaux chez Leclerc le prouve), les tarifs pour être propriétaire (et donc pour un regard exclusif) d'un tel travail n'ont pas bougé depuis bien longtemps.
Et j'ai une maison ou un appartement à financer à Royan alors, voyez votre acquisition comme un soutien à ce désir.
Pour le reste, l'Histoire de l'Art tranchera sur la pérennité ou pas de ce travail, de sa perte dans les méandres souterrains d'un art pas reconnu, de l'oeuvre d'un dissident, d'un singulier ou d'un oublié.
Les retours possibles de l'histoire m'intéressent peu car je ne goûte pas l'espoir d'une reconnaissance tardive voire post-mortem. Je veux jouir tout de suite de votre intérêt pour mon travail et de la juste et belle rétribution que vous lui accorderez par de la monnaie sonnante et trébuchante (au sens où son grand nombre pourrait bien me faire tomber par terre).
Comme pour la valise contenant des oeuvres oubliées de la Société des Arts Incohérents, je suis persuadé que mon travail trouvera un jour son Johan Naldi et que l'aura à laquelle j'ai le droit, cette étoile au front si chère à Raymond Roussel brillera sur moi mort ou vif et sur son découvreur.
Et je reste persuadé que Johan Naldi n'existe pas, qu'il est un personnage de Georges Perec dans la Vie, mode d'emploi. Car, si jamais il existait vraiment, alors nous aurions la preuve que la chance et la destinée ne tiennent pas compte du Temps. Et que ce temps n'est qu'une pâte à modeler vibrante, élastique et qu'il faut, définitivement faire attention si ce n'est aux signes au moins aux indices.
Allez...
Souriez...
Vous êtes épiés.






















lundi 10 juillet 2023

Cham et la mousse de la renommée



 Il y a bien longtemps, dans cette galaxie, Jacques Ramondot m'avait instruit sur l'importance de la caricature et des dessinateurs du XIXème siècle. Je l'ai entendu prononcer des noms aussi importants que Gustave Doré, Forain, Caran d'Ache ou bien Cham.
J'étais un jeune homme qu'il fallait remplir de références pour progresser, aimer, admirer et appartenir aussi à ce clan fermé de ceux qui connaissent la généalogie de leurs maitres, débroussailler le terrain des certitudes.
De Cham, je me souviens de ma satisfaction à en reconnaître le nom lors de l'achat d'un livre sur un vide-grenier et d'avoir été très fier de le sentir venir à moi ainsi. Puis...j'ai rangé le livre dans ma bibliothèque après en avoir observé les images, suite à une tentative de lecture qui me rebuta alors. 
La jeunesse...je vous dis.
Hier, je ne sais pas trop pourquoi, après la lecture de deux albums de Reiser et un volume de Schuitten et Peeters, je sentais que je devais lire ce livre : Cham, sa vie et son oeuvre par Félix Ribeyre
Et voilà que d'une traite, je l'avale !
La maturité...je vous dis.
Il s'agit surtout de retracer la vie de ce dessinateur et bien moins d'en proposer quelques images. On dirait que l'auteur s'attache surtout à évoquer la famille des admirateurs, les fréquentations de l'artiste dans une interminable liste des connaissances de la famille, des ancêtres. Fils d'aristocrate, il semble bien que cette hérédité fut comme troublée par le désir d'être dessinateur, comme une infamie familiale finalement acceptée et même soutenue. Bon, on sera heureux d'avoir un portait de l'apprentissage du dessin et de la peinture dans les ateliers de l'époque, de comprendre un peu ce petit monde des élèves en Art en ce début de XIXème siècle que l'on appelait pas encore des étudiants.
Ma surprise vient que justement ce panorama de la vie d'un si illustre dessinateur et caricaturiste passe totalement à coté justement de ce que nous croyons être aujourd'hui l'Histoire de l'Art de cette époque et plein de noms d'artistes me (nous ?) sont totalement inconnus, oubliés, perdus. On se demande même s'il s'agit bien de la même époque. La photographie également est absente de cette vision d'une vie d'artiste pourtant au milieu de ce bouleversement. Seuls quelques noms émergent comme Gustove Doré, Daumier (à peine) et Töpffer. Pour le reste, la révolution du réalisme ou de la Modernité...Rien...
Il semble que l'auteur semble surtout vouloir réaliser un tableau de chasse des mondanités, montrant l'inscription de Cham dans un milieu socio-professionnel très particulier. L'auteur tente tout de même de nous raconter l'attitude de Cham pris entre la Révolution de 1848 puis celle de la Commune mais tout cela semble un peu oublieux de la violence d'alors. On tente surtout de nous montrer un Cham drôle, farceur, à l'humour du bon mot et de la répartie bien typique de ces années et de ce siècle. L'oeuvre de Cham est immense, incroyablement prolixe et d'une élégance rare c'est certain. On rit moins aujourd'hui de cette humour mais, bien entendu, comme pour tous les grands dessinateurs, restent la ligne, l'attaque des ombres, la charge de la caricature qui font passer ce travail au travers de nos époques contemporaines.
Qui aujourd'hui connait Cham ? Qui en parle aux petits dessinateurs ? Qui pour réactualiser ce travail et, d'ailleurs, comment faire avec un travail justement très marqué par son époque ? 
L'Histoire de l'Art nous force à l'humilité, surtout en France, où la catégorisation des genres ne permet pas toujours de maintenir sur le devant de la scène artistique des pratiques que la Modernité tapageuse aura souvent moquée pour ne pas dire écrasée. La mousse sur la tombe de Cham, sur cette tombe bien grise, est à l'image de notre perception de ce travail d'un artiste immense ayant perdu sa place. 
Allez...Rien de grave et sans doute que cette discrétion obligée par l'histoire aurait fait rire le caricaturiste, lui si prompte à s'amuser des travers de la reconnaissance sociale de son époque et des égos de ses contemporains.
J'ai, de suite, l'envie d'aller nettoyer sa tombe ou de nourrir ces mousses.
Qu'aurait préféré Cham ?

Pour info, mon exemplaire est daté de 1884, il est dans un état moyen et possède une dédicace de l'auteur pour le Docteur Bouilly, chirurgien à l'hôpital Beaujon d'ailleurs nommé dans l'ouvrage. Quelle route a-t-il donc emprunté pour que de 1884 il soit finalement arrivé chez moi et, pire encore...où ira-t-il ensuite ?