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lundi 4 novembre 2024

L'illustration retrouve sa place en école d'Art (surtout au Mans...)

 Avec beaucoup de retard (et en ce sens, je suis la communication à rebours de mon établissement), je vous montre quelques images de l'exposition que j'ai organisée au sein de l'école des Beaux-Arts du Mans autour de la question de l'illustration. Je vous mets ici le dossier de presse.


Cette exposition sera certainement la dernière que j'organiserai si rien ne change dans le mode de diffusion et de communication dans mon établissement autour des expos. La bonne volonté a des limites.
Vous allez me dire que vous n'étiez pas au courant de cette exposition, que vous regrettez de ne pas l'avoir vue...c'est exactement ce qui est en cause.
Vous irez voir sur le site de l'école où sont les archives des expositions que j'ai organisées depuis 27 ans...Vous essaierez de comprendre pourquoi on communique le souvenir plus que l'actualité, de comment cela rend hommage au travail de ceux qui pensent, organisent, montent, clouent sur les murs des oeuvres pour un public large et donc...pas informé...

Salut.
(c'était chouette à part ça...et merci à ceux qui se sont engagés avec joie et travail)

L'affiche la plus moche du monde :
















lundi 16 septembre 2024

La Libération...et Martin Parr mettra ce livre dans sa collection

 

Il y a des objets éditoriaux qui viennent à vous presque malgré vous, c'est à dire que, a priori, comme ça, vous n'auriez pas cru bon les rencontrer.
Mais voilà, ils arrivent dans vos mains avec une certaine force souvent, bien évidemment liée à leur plasticité, leur étrangeté ou la qualité éditoriale. Et puis ce livre affiche (si j'ose dire) assez vite la couleur, ici ses couleurs : bleu, blanc, rouge.
La Semaine Héroïque ne laisse aucun doute sur son contentement patriotique, sur la joie du retour du drapeau. Et, tout est dit sur sa couverture : date, objet (la Libération de Paris), auteur (Georges Duhamel) et même ce que nous devrions faire de l'ouvrage dans les temps à venir puisque le bandeau nous indique tout simplement notre rôle de lecteur : "...que vos petits enfants retrouvent un jour dans votre bibliothèque..."
Ce fut fait exactement comme prévu sauf que la bibliothèque en question était un simple carton sur le sol rempli de plein d'autres livres....




Bien sûr ce qui saute alors au yeux c'est ce désir de construire directement un témoignage dans l'actualité de l'Histoire et même, soyons clairs, dans l'Histoire de France ! Et cela entre le mois d'Août et le mois de Novembre. Il y avait donc urgence à être ainsi très vite sur le marché des livres d'histoire et d'actualité ! Le livre, en effet a été imprimé en novembre 1944.
S'il est aisé de comprendre la motivation, on reste tout de même interloqués de ce désir si ardent de Maurice Boissais d'organiser ainsi une telle édition aussi vite. La Libération devait être vraiment grande. J'imagine bien comment dans les vitrines des libraires d'alors ce livre devait marquer sa place !
Ouvrons-le.

Dans la préface, Georges Duhamel donne sa définition de la Photographie et, en particulier, de celle de l'instantané. On notera de suite que les photographies ne sont pas attribuées individuellement (il est donc difficile de dire qui a photographié quoi) mais les noms des photographes sont bien indiqués :  MM. Artaud, Doisneau, Jahan, Roubier, Roughol, Serge, Zuber et Mme Suzanne Laroche.








Je n'ai aucune idée par qui ni comment tous ces photographes furent réunis, ni de comment le choix éditorial fut opéré. On note tout de même des photographies très proches des événements, très proches des acteurs, avec parfois des points de vue qui racontent aussi le danger. Soit prises très bas sur le sol, soit au contraire, les photographies sont prises en surplomb depuis une fenêtre. On sent la poudre, la peur, le risque, l'indétermination du futur. En ce sens, c'est très vivant. La Libération prend chair en quelque sorte. Les acteurs restent anonymes à part les personnalités historiques, et j'imagine pour ces parisiens la joie de peut-être se retrouver dans ce livre à sa sortie.

Si on cherche chacun des photographes, il est assez facile de ré-attribuer les clichés à chacun d'eux et de comprendre aussi que ces clichés sont tout simplement, souvent, très largement recadrés...donc, sans doute, avec l'accord des photographes qui d'ailleurs avaient des liens entre eux et sont bien connus pour certains.
Il s'agit donc bien d'une composition.

Pour la pagination, rien de plus simple : une photo plein cadre à droite, un petit texte à gauche qui raconte ce qu'on voit. Efficace !
Comme l'année 2024 est celle des 80 ans de la Libération, nul doute qu'il faille regarder cet objet éditorial avec émotion mais aussi avec l'oeil de l'histoire ce qui ne veut pas dire sans la tendresse d'un moment important et donc sans trop non plus y chercher une quelconque vérité ! Ce livre est un cri, celui d'une Libération, d'un sentiment aussi de fierté bien légitime.

En ce sens, c'est un livre de photographies important, un livre étrange sans doute, vivant certainement et c'est le genre de livres de photographies que j'imagine bien sur les rayons de la collection de livres de photographies d'un Martin Parr ou d'un amoureux de la photographie comme objet du réel, du souffle de la vie.
Un bien bel objet donc.
Et n'oublions pas simplement de tous les remercier.






























mardi 27 août 2024

C. F. Ramuz par Vaud et Valais

 Dans la catégorie des "beaux livres", il existe une niche un peu spéciale, un peu démodée aussi, celle des albums de pays, de tourisme, de voyages. Souvent achetés au retour du lieu de vacances, offerts comme cadeau, ils étaient un peu les ancêtres des Coffee Table Book d'aujourd'hui. On trouve ainsi souvent sur les vides-greniers ces éditions magnifiquement imprimées en héliogravure avec, parfois, la chance d'un excellent photographe de paysage, comme on savait encore en faire à cette époque. Tout cela a un peu disparu, sous le doute d'un folklore un peu trop appuyé parfois, d'un certain lyrisme un rien chauvin, d'une idée du territoire un peu mythifié. Le mot Pays devient alors toujours, oui, un peu douteux. On les lit peu ces livres. On les regarde surtout.

Hors, il arrive que certains de ces albums soient de véritables déclarations littéraires où rien ne manque de la compréhension d'un territoire, à la fois une certaine idée ouverte des lieux décrits et donc aussi des images venant en confirmer la réalité, bien loin d'une recherche de signes spectaculairement identitaires.

C'est le cas avec ces deux albums qui sont, avant tout autre chose, des oeuvres littéraires d'un immense écrivain : C. F. Ramuz. Comme je suis bien trop novice dans ma découverte de ce dernier et que ces deux albums furent donc ma porte d'entrée à son écriture, je ne ferai pas semblant d'être un spécialiste mais je peux tout de même dire ma joie et ma surprise à cette écriture ramassée, savante, étonnamment visuelle et sensorielle car ceux sont les sens qui fabriquent chez Ramuz les espaces, leur descriptions et même leur géographie. Et j'avoue que sur la table des vendeurs, je fus assez étonné de trouver le nom de Ramuz associé à ce type de projets éditoriaux, surtout qu'ils furent édités tous les deux en pleine guerre, en 1943. 
Ils apparaissent alors à la fois un peu loin des préoccupations du Monde et comme des refuges un peu décalés. Mais il n'y a rien à dire là de bien particulier et je ne me vois pas poser un doute éthique ou moral sur le travail d'un écrivain comme Ramuz. Et, oui, il reste la Beauté qui ramasse tout.

Oui.

Ces deux albums se présentent avec une certaine âpreté, une certaine économie qui leur donnent une rigueur, une sorte de retenue presque sèche. Le noir et blanc de la couverture, le choix de la mise en page (et même du papier) offre au regard et au toucher une sensation assez étrange, comme si tout cela avait été édité avec un pragmatisme paysan qui correspond tellement bien à ce que écrit Ramuz sur le Pays du Valais et de celui de Vaud. On pourrait résumer cela ainsi (et je m'en excuse auprès des lecteurs de ce pays) en disant que ces albums sont si...suisses. Et c'est ce qui m'a plu immédiatement d'ailleurs surtout quand à la lecture du colophon j'ai donc vu la date d'édition.

C'est une mission bien étrange que de vouloir faire aimer un Pays par ce moyen.

Le premier :
Vues sur le Valais
C. F. Ramuz, illustré de photographies de différents auteurs
éditions Urs Graf Bale et Olten, 1943

Dans celui-ci, le texte de Ramuz est bien plus long et ouvert que dans le suivant. Il semble que l'écrivain se saisisse d'un certain régionalisme pour ouvrir son regard à un universalisme assez puissant et même très touchant dans cette période. Sa comparaison (à raison) de l'architecture populaire des montagnes suisses avec celles du Tibet ou la comparaison stylistiques des masques de Lötschental sont à ce titre particulièrement touchantes et justes. Les débuts du texte de Ramuz nous promènent avec délectation dans les arcanes géologiques et géographiques de la fabrication d'un tel espace et de ce qui le détermine donc culturellement. C'est toujours ce point qui est appuyé par l'auteur : comment un lieu détermine des modes de vie, comment finalement aussi ces modes de vie produisent, chez le regardeur, de la littérature, c'est à dire une ouverture pour tous de ces mondes qui pourraient sembler bien loin et pourtant dans lesquels on peut se reconnaître.

La mise en page de toutes ses photographies provenant d'auteurs variés est solide, elle place en pleine page de grandes images qui se touchent, se frottent, se complètent avec une belle unité stylistique que la belle impression de chez Otto Walter SA Olten rend parfaitement. Aucun noir bouché, aucun gras, tout est piqué, délicatement bien sorti. On ne regrette pas la couleur, elle est partout dans les valeurs de gris et dans le texte de Ramuz.

Le second : 
Pays de Vaud
C. F. Ramuz, 81 photographies de Maurice Blanc
éditions Jean Marguerat Lausanne, 1943

D'abord on s'étonne qu'il s'agisse ici de deux éditeurs différents au vue de la proximité des choix éditoriaux. Je ne sais pas comment Ramuz avait articulé ces deux commandes. La grande différence ici étant que le photographe Maurice Blanc est le seul crédité et qu'il pourrait même sembler être un peu comme un véritable co-auteur de cet album. Pourtant, dans le texte,  Ramuz ne fait strictement aucune allusion au travail de Maurice Blanc le photographe...comme s'il n'avait pas vu les photographies, ni participé à leur choix et, sans doute, encore moins tenté d'interagir avec son écriture sur ce choix d'images. Maurice Blanc est-il allé sur place suite à la lecture du texte ? Avait-il déjà un choix d'images à proposer à l'éditeur et à l'écrivain ? Maurice Blanc on le connait bien si on connait Le Corbusier puisqu'il fut un grand photographe de Ronchamp notamment pour des cartes postales. (voir mon autre blog)
Reste un album dans lequel, là encore, il n'y a rien à redire de l'impression ou de la mise en page souvent très solide (comment on fait toucher le bord haut d'une image avec la ligne d'horizon d'une autre...). On pourrait aujourd'hui trouver tout cela un peu régionaliste, un peu fabriqué dans des imageries populaires attendues de l'esthétique des pays de montagne. Mais, en 1943...aucun doute sur la réalité du monde décrit et enregistré ainsi par le photographe et l'écrivain. Vraiment aucune raison d'en douter. Peut-être même qu'il était urgent de l'enregistrer.

Oui.

Le texte de Ramuz ici est plus ramassé, plus dru, ressemble plus à une longue préface mais reste d'une grande pertinence stylistique bien peu en connivence avec le photographe dont d'ailleurs il n'y a aucun rappel de page. On cherche même parfois les images que le texte produit dans notre imaginaire dans celles de l'album, un peu en vain. Tout l'opposé donc du premier album. Mais la levée du jour sur la montagne du Pays de Vaud est un morceau de bravoure littéraire. On y est.

En tout cas, ça ne fait pas cher la promenade en Suisse ni la découverte de l'oeuvre de Ramuz. Il faudrait interroger avec ardeur les rapprochements possibles dans ces deux albums de photographies avec un August Sander ou un Thibault Cuisset, ou, à l'opposé, avec ce qu'est devenue la photographie contemporaine et ses si fameux ciels blanchis sous Photoshop, sa pseudo-neutralité et son goût épuisant des séries de typologies dans des Atlas vains où personne ne vit (et surtout pas le photographe). Cette photographie contemporaine croit-elle ainsi échapper au folklore en fabriquant de nouveaux safaris ?