dimanche 30 décembre 2012

Philippe Lorin prend l'avion sous gouache.



























Nous allons encore faire un peu de transversalité inter-blog.
Et comme il s'agit d'une sorte de voyage, nous verrons que l'objet ici est parfaitement adéquat :
J'aime les réponses graphiques et leurs traductions. Vous savez que souvent, les livres pour enfants (enfantina comme on dit) offrent cette capacité à saisir comment un objet architectural fut reçu par son époque.
Philippe Lorin dans son superbe album L'aéroport publié en 1974 chez Rouge et Or nous offre l'occasion de visiter cet objet étonnant encore pour cette époque, mais en train de se populariser. Les éditeurs ont donc décidé sans doute pour permettre aux enfants d'en avoir moins peur et de mieux en apprécier la modernité de réaliser cette édition.
Quelle qualité !
Mêlant photographies explicatives et planches en gouache de couleurs délicates posées en aplats d'une grande subtilité, Philippe Lorin donne à voir la mécanique spatiale de l'aéroport. Tout y passe !
Les avions, les bagages, l'enregistrement et on comprend mieux finalement le programme architectural d'un aéroport ! J'imagine que de jeunes architectes voulant saisir l'exercice d'une telle construction pourraient dans ces quelques pages en saisir toute la complexité ici décortiquée, analysée avec une jubilation graphique que j'aime beaucoup.
Regardez bien cet esprit synthétique, cette simplicité précieuse du dessin mais surtout l'utilisation des aplats de couleurs comme découpés dans des papiers.
C'est lumineux.
Et j'y retrouve finalement cette sorte de désir didactique, cette objectivité instructive des cartes postales :
les objets pour ce qu'ils sont, donnés à voir simplement mais pas trivialement. Regardez comment Philippe Lorin montre le génie de Paul Andreu à Charles de Gaulle. Comment il en saisit l'esprit.
Réjouissant non ?

carte postale éditions  PI  1974

carte postale éditions PI








samedi 29 décembre 2012

Son cahier de (français) dessin



J'appartiens à une famille mais ce qui est parfois difficile avec la famille c'est bien que certains membres connus et proches ne vous intéressent pas alors que d'autres arrivent des fins fonds de la Pologne un après-midi de décembre sans crier gare et vous mettent sous le nez leur parenté.
C'est le cas du superbe et drôle Sławomir Mrożek.



Remercions de suite les éditions Noir sur Blanc de nous offrir en France la publication des dessins de cet artiste peu connu mais qui soudain se révèle à moi comme une filiation amusée, un point d'accord.
Sławomir Mrożek pour apprendre le français décide de faire un cahier avec des dessins lui permettant de retenir les mots qu'il apprend. Il dessine les objets eux-mêmes mais aussi les situations, les qualités, les sensations. Vous aurez vite compris en quoi ce projet me ramène à lui !
Ici, le dessin est rapide, concis, parfois obtus pour qui n'est pas dans la réalité du moment de conpréhension linguistique, et le rebours de la solution n'est pas toujours simple à éprouver à notre tour. Mais c'est bien là la beauté sèche et croquignolesque de Monsieur Mrożek.



Et puis, il y a des finesses et surtout une intelligence de la solution graphique toujours épatantes. On s'amuse, on essaie de deviner l'articulation linguistique, on tente de comprendre ce que nous aurions avec lui ajouté ou enlevé (plus difficile !)
Monsieur Mrożek nous apprend à aimer la traduction. Il fait sans doute là le plus clair travail de traduction en nous montrant que le signe déborde le mot, se joue de l'imaginaire en l'offrant comme espace de liberté et... d'errements ! On devine des mots anciens, on perçoit aussi quelques fautes d'orthographe. Mais qu'importe !
Monsieur Mrożek s'il vous plaît, adoptez-moi.



Alors je le jalouse (ah la belle énergie !) Alors je lui tire la bourre !
J'entre en compétition avec lui, je m'amuse de ses solutions et des miennes même si Monsieur Mrożek évoque le passage d'une langue à une autre et que pour ma part, il s'agit surtout d'une traduction d'un signe à un autre.



Mais finalement, devant des mots français inconnus de moi et dessinés par Sławomir Mrożek, je suis bien moins français que lui. Dès qu'il aura sur son cahier dessiné son mot, il sera dans ma langue, dans la sienne alors que je serai toujours dans l'inconnu d'un signe.
C'est bien la force superbe de cet artiste : son humour est sa langue. Sa langue nous est alors commune. On remarquera que le mot dessin est au singulier car c'est bien un cahier de langue. Le dessin est sa langue et, Bon Dieu ! qu'il la parle bien ! Pour remercier Claude Lothier de cette découverte, je lui offre ce carrelage dont il saura trouver la raison de sa présence. Et je remercie aussi Zhuo et je m'excuse encore auprès de lui : il sait pourquoi.

Mon cahier de français, de dessin
Sławomir Mrożek
éditions Noir sur Blanc
isbn : 978-2-88250-288-9
achetez-le !




















mercredi 26 décembre 2012

Fabien Yvon graine, François Kollar : photographies.

Fabien n'a pas supporté.
Il n'a pas supporté de savoir que je ne grainerais pas de l'hiver. Il a donc décidé de prendre les choses en mains et il est venu à la maison faire ce grainage. Il faut aussi dire que Fabien aime bien apprendre. C'est quelque chose qu'on partage.
Alors il est venu apprendre à grainer. Et il apprend vite et bien.
Nous allons avec lui suivre les étapes du grainage d'une pierre lithographique.
Voyez !
On commence par enlever l'encre du précédent tirage avec un pierre grise en faisant de beaux 8 ! On remarquera que la jeunesse du graineur lithographe lui permet au mois de décembre de grainer en chemise !





Puis on commence le grainage proprement dit. On débute ici avec du sable assez gros pour finir au Carborundum. le gros sable permet surtout d'user la couche précédente et d'en retirer le dessin. C'est bien le Carborundum qui donnera la finesse et la qualité du grain.



  ,

On procède ainsi jusqu'à la disparition totale du dessin et surtout de sa trace jaune dans la pierre. En fait, c'est la pierre sèche que l'on juge du grainage.
Voici l'étape au Carborundum. C'est lui qui fait ce beau noir sombre sur la pierre :



   

Et c'est aussi le Carborundum qui laisse ces beaux dessins sur les pierres quand on les sépare :




Une fois le grainage achevé, il faut faire les bords et sécher la pierre. Ici, on y va de manière radicale en séchant au flambeau à gaz. Et en plus c'est beau.





Mais nous fûmes tous deux surpris de l'incroyable régularité du cercle de grainage sur la pierre grise servant de bourriquet. Un beau cercle pour se photographier tous deux dedans :



On s'amusera aussi de trouver chez Kollar des photographies de lithographes dans son grand ouvrage "La France travaille."
Et surtout cette femme qui graine avec une machine électrique ! Je crois bien que Fabien et moi jalousons sa technique et son outillage ! On s'amusera aussi que sur les étagères sont posées ses chaussures !