dimanche 12 février 2017

Le Cahier dessiné, onze, outil

 

Peu d'aventures éditoriales en France ont su devenir à ce point indispensables et attendues. Il en est ainsi du Cahier Dessiné de Frédéric Pajak dont chacune des livraisons est pour moi l'occasion de retrouver de vieux amis ou d'en découvrir des nouveaux.
Le dernier numéro est un énorme volume, gros, pris un peu par une obésité joyeuse, dont chaque page vous régale.
Mais surtout, surtout, cette fois, j'ai pris le pari de lire à mes étudiants l'introduction de ce Cahier Dessiné. Frédéric Pajak y fait un éloge de l'outil et de la manière dont un artiste se doit (oui du verbe devoir) se doit de tenir et de trouver son outil de dessin non pas comme un pis-aller mais comme un objet libérateur permettant d'inventer une nouvelle traduction du monde.
C'est un texte pratique pour un enseignant car Pajak situe d'abord son texte dans une école d'art mais surtout, au-delà d'une vision que certains verront comme un peu réactionnaire, il raconte avec justesse, les question du dessin, de sa manière à être un chemin, de comment on s'empare ou non des outils qui le fondent.
Alors, ensuite, après cette introduction, il est aisé de voir ou de lire donc de penser si les exemples qui y sont donnés sonnent juste à cette leçon.
Tout comme dans le premier numéro de la revue Cahier Dessiné, on trouve le collage improbable d'artistes se faisant écho ou s'opposant, distribuant ici un imaginaire débridé ou, au contraire, une vision du réel acérée. (Adrien Neveu)
Mais où les trouve-t-il tous ces dessinateurs ? Est-ce que Pajak, de porte en porte, tel un colporteur, part sur les chemins, d'une réputation vers un conseil ?
Dans ce numéro, je m'autorise à vous dire mes préférés. C'est mon droit de lecteur non ?
Mais, faites comme moi. D'abord chez votre libraire indépendant, achetez ce numéro des Cahiers dessinés. Puis, jalousement, pour vous, l'ouvrage lourd sur les genoux, régalez-vous en solitude avant de rapidement le mettre dans les mains de ceux pour doivent le lire (oui doivent du verbe devoir, toujours), les jeunes dessinateurs et dessinatrices.
Alors, viendra la parole, les avis, les goûts et même les dégoûts mais surtout les jalousies...
Dans ce numéro, je retrouve mes jalousies pour Topor, j'aime lire le témoignage de Sonja Hopf et revoir ses belles gravures, j'aime toujours autant dessins et puissance de Willem.
Mais si je devais garder une jalousie à l'instant découverte, je garderai celle des paysages absolument magnifiques d'Adrien Neveu.
Les images un peu floues qui suivent ont vocation à vous donner envie d'aller voir. Allez voir !
Bonne lecture.

Le Cahier Dessiné N° 11
collectif sous la main de Frédéric Pajak
édition les Cahiers Dessinés
isbn : 979-10-90875-34-0


Alexeï Soundoukov

Marianne Wylder



Romain Slocombe

Roland Topor et Sonja Hopf

Sonja Hopf


Sonja Hopf

 


mardi 6 décembre 2016

Aquarelleur

 Dictionnaire Larousse, 1895, version spéciale "Beaux-Arts" :
Aquarelleur : n.m (s) machine ou dispositif mobilier permettant de peindre en couleur et à l'aquarelle des tableaux, des estampes, des images populaires ou des cartographies.
Cit : " Pécuchet commanda son aquarelleur directement à Paris dans l'une des plus grandes maisons de fourniture pour artistes. Lorsque son aquarelleur arriva enfin en caisses et en pièces détachées à son domicile, il ne sut le monter. C'est Bouvard qui vint à sa rescousse, le traitant alors d'aquarelliste du dimanche matin." Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, 1881

Oui, j'ai dû en passer par là pour entreprendre la colorisation de ma géante estampe réalisée sur l'invitation de Philippe Martin à l'école des Beaux-Arts de Rouen. ne trouvant plus de fournisseur, j'ai dû inventer avec mes moyens cette fabuleuse machine aujourd'hui bien rare. J'avoue n'en avoir jamais vu nulle part de ces aquarelleurs !
Ne pas confondre avec l'aquarelliste qui est celui qui utilise l'aquarelleur.
Il me fallait de toute manière trouver une solution pour pouvoir ainsi m'offrir au moins une de ces grandes estampes représentant les premiers noms propres que je voulais aquareller comme je le fais de mes lithographies.
Souhaitez-moi une meilleure chance que ce pauvre Pécuchet.
Voici donc ma version de cet aquarelleur :
















dimanche 23 octobre 2016

Alain Grée le Grand

Il y a des illustrateurs que l'on retrouve souvent, qui ont modelé vos souvenirs d'enfance à grands coups d'aplats colorés et joyeux.
Alain Grée est de ceux-là.
Il m'est toujours difficile de ne pas acheter pour quelques centimes l'un de ses ouvrages lorsque j'en trouve. Ce fut le cas, ce samedi aux Emmaüs. En plus, joie plaisante, l'œuvre d'Alain Grée est prolixe, il est donc aisé de se faire plaisir.
De cet illustrateur, on chante souvent la simplicité analytique de ses gouaches, leur manière de faire image par la couleur, la reconnaissance immédiate des visages de ses personnages ou de la ligne noire découpant le blanc des espaces. Il y a dans les livres d'Alain Grée, cela ne fait aucun doute, une écriture.
Mon œil y reconnaît de suite mon enfance.
Mais cette simplicité qui dit tout, qui ne dit rien, ne suffit sans doute pas à qualifier l'ensemble des qualités des dessins et gouaches d'Alain Grée. Il faut y ajouter une lecture possible car amené à un point irradiant de clarté qui, évidemment pour des enfants, est à la fois utile et surtout poétique. On aime toujours comment si peu de lignes, si peu de formes se lisent dans une synthèse qui produit et invente une image. On verra qu'il existe parfois aussi des matières, des crayonnages qui font monter le grain d'un papier ou le sec d'un pinceau pour définir une masse. C'est subtil, bien construit et surtout d'une puissance des couleurs et de leur justesse tonale absolument parfaite. Joie !
Alors voici des exemples tirés de deux ouvrages entrés depuis hier sur les rayonnages Enfantina de ma bibliothèque. Il s'agit de Un courageux petit marin, texte et dessins d'Alain Grée, éditions Fleurus, édité en 1964 et de Moustique et Barbe-Bleue de Paul Guth pour le texte et d'Alain Grée pour les images, un grand et superbe album aux éditions Casterman datant de 1959 ! Deux ouvrages dans un état remarquable et qui finissent tous les deux par le dernier dessin d'un coffre au trésor qui dit bien finalement que les illustrations d'Alain Grée resteront, pour moi, à l'image de ces coffres, ouverts sur des pierreries et des clefs utiles aux rêves enfantins.
On aura, sans doute l'occasion, à de multiples reprises, de retrouver dans d'autres articles, le travail d'Alain Grée.







 


 

J'aime l'audace du point de vue :



Parfait archétype :

 


 

J'adore la radicalité presque abstraite de cette bibliothèque :




 

 

 

 

vendredi 8 juillet 2016

Les noms propres

Il fallait bien que l'on y arrive !
Philippe Martin était encore enseignant en gravure lorsqu'il m'invita à réaliser sur la très grande presse Artley, l'édition d'une estampe géante de 118 par 160 cm. Nous avions décidé tous les deux que je commencerais à m'occuper des noms propres de mon dictionnaire Larousse pour rompre un peu, vu l'exception de cette image, le travail habituel sur les noms communs. Quatre grands zincs (50 par 70 cm) sont donc gravés en taille-douce proposant de faire une illustration pour les noms propres n'ayant pas d'illustration dans la même méthode que pour les lithographies. La méthode et la contrainte sont donc les mêmes que pour les lithographies.
Évidemment un tel tirage sur un tel format réclamait une organisation sans faille, ce que nous avons pu enfin mettre en place cette semaine. L'équipe de choc était constituée de Philippe Martin, Eddy Dumont, Fabien Yvon et votre serviteur. Philippe Martin et Fabien Yvon assurèrent le premier essuyage puis je venais finir par le paumage pour que les quatre planches soient finalisées par la même main. Le papier mouillé la veille, la presse Artley bien réglée, l'énergie de tout le monde permirent de faire les dix feuilles en une journée et demie !
À part quelques duretés dans le passage en presse, le plateau de la Artley venant frotter sur le châssis de la presse, tout se passa bien. Pour les spécialistes, nous avons utilisé de l'encre Charbonnel Aqua-wash qui fit merveille.
Les tirages sont au séchage, vous pourrez donc les voir de visu ou sur ce blog plus attentivement plus tard. Mais je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous les beaux moments de ce tirage.
Les estampes sont en vente.
C'est un petit tirage sur ce format exceptionnel. 8 épreuves seulement. Dépêchez-vous !
L'une d'elles, comme pour les planches lithographiques, sera mise en couleur à l'aquarelle cet hiver.
On notera que trois générations de graveurs travaillèrent ensemble. La main connaît bien sa famille, les gestes connaissent bien leur histoire et savent se retrouver, toujours.
Je remercie l'école des Beaux-Arts de Rouen pour la mise à disposition de ses moyens de production. Je remercie Philippe Martin pour ce désir et l'occasion de le réaliser. Sans la disponibilité de Fabien rien n'aurait été possible. Merci à Eddy Dumont pour son accueil et son aide (et le café !)
En art, je ne crois pas au projet, je ne crois qu'en la pratique. Je ne crois pas aux chimères, je ne crois qu'à la présence dans le réel. Faire est le moyen de voir. Son moyen, son outil.

Une vidéo pour voir cette manipulation :



Préparation du papier :
 


















Encrage et pose des plaques :



























Soulèvement d'une épreuve :








































Rangement et séchage des épreuves :