mercredi 13 novembre 2024

Leclerc ? Le meilleur bouquiniste de France ?

 


Dans mon supermarché Leclerc de Saint-Pierre-lès-Elbeuf que je fréquente depuis mon enfance, un rayon Leclerc-Occasion a été ouvert et c'est devenu pour moi  un rendez-vous obligatoire à chaque passage pour y faire mes courses.
J'y trouve souvent (mais pas toujours...) de quoi sustenter mes désirs de lecture ou ceux de ma mère. Parfois, j'y trouve même des raretés et la première édition avec bandeau prix Médicis de la vie : mode d'emploi de Georges Perec en est l'exemple parfait. Quelle joie de trouver ce livre dans un état absolument remarquable dans mon Leclerc ! Que dire du fait que je trouve aussi l'étrange livre le nécrophile de Mario Mercier qui côtoie un catalogue sur les gravures de Rembrandt.



Grace à ce rayon, j'ai aussi lu Bourdieu ou...Amanda Lear qui finissent dans les mêmes rayons et parfois le même Caddie. Je dois le dire, j'ai largement préféré le livre d'Amanda Lear à celui de Bourdieu et ce n'est pas une posture de ma part.
La dernière belle surprise fut de pouvoir lire Annie Ernaux évoquant les centres commerciaux directement dans mon centre commercial ! La boucle était bouclée et elle répondait cette boucle à un désir évoqué d'ailleurs par Annie Ernaux elle-même dans son livre.

Depuis quelque temps, je photographie chaque semaine mes trouvailles de livres. Cela agit comme une sorte de portrait d'un lecteur même si tous mes choix ne sont pas pour moi. Mais cela montre aussi que nous sommes dans un pays assez extraordinaire aussi, un pays où la littérature sans hiérarchie aucune est disponible pour tous et pour pas cher. Alors, certes, il faut trier, chercher mais c'est bien cela qui est le signe de notre liberté, de pouvoir ainsi sans remord, sans peur, se procurer des livres. Et le prix permet aussi de se laisser tenter par des ouvrages que nous n'aurions pas achetés sans ce rayon. On y trouve Barthes (Racine), Maupassant, Michel Tournier, Calvino etc...Cela signifie aussi que dans un périmètre autour de ce Leclerc il y a des lecteurs de ces auteurs qui viennent là vider leur bibliothèque. On pourrait rêver qu'un anthropologue ou un sociologue construise une analyse d'un territoire de lecture en parcourant les Leclerc-Occasion de France pour faire des statistiques à la fois des ventes et des achats selon les régions de notre pays !
Trouver Les Versets Sataniques de Salman Rushdie dans sa première édition est la preuve de notre liberté.
Pouvoir lire et découvrir une journée d'Ivan Deinssovitch de Soljenitsyne (absolu chef-d'oeuvre) en est une autre. Et Rimbaud qui finit là...
Parfois, dans les livres, des trésors sont cachés comme cette petite série de cartes postales brodées trouvées dans un John Fante.



Alors, il arrive bien aussi que je ne trouve rien. C'est toujours un peu décevant et parfois j'ai même l'impression dans une paranoïa excentrique que les responsables du magasin retiennent des livres dans leur grotte. Il m'arrive de fantasmer des retenus de livres, d'avoir envie d'aller directement à la source. Et quand deux ou trois semaines de suite, je ne trouve rien, je suis comme frustré, déçu. Et puis soudain, on sent qu'un lot est arrivé, que le rayon a été rechargé ! Il m'arrive même de placer des livres-témoins dans les rayons pour voir si ils bougent, preuve alors d'un nouvel arrivage. Un Boris Vian m'a ainsi servi de repère pendant un mois avant de disparaitre, ayant donc trouvé un lecteur ou une lectrice. On note que parfois certains livres sont en plusieurs exemplaires (Maupassant par exemple ) signe sans doute d'une lecture collective peut-être scolaire...
Alors voilà quelques photographies de mes Caddies remplis chaque semaine. Je compléterai au fur et à mesure. Vous pourrez ainsi suivre plus ou moins mes lectures, mes choix mais aussi mes courses !
N'en tirez pas trop vite des conclusions sur mes goûts mais vous n'avez pas tort : Justin Bieber et Klaus Nomi sont bien des artistes que j'aime.

Pour peut-être compléter avec jubilation cet article, je vous conseille l'écoute de l'excellente émission sur l'écriture plate avec Laelia Veron et Clara Cini. C'est formidable.









































mardi 5 novembre 2024

Steinberg 1955

 



Dans ce salon du livre de la Saussaye, je m'amuse du peu de jeunes gens déambulant dans les allées un peu serrées. Beaucoup de livres de régionalisme et d'auteurs locaux comme à l'habitude dans ce genre de salon mais aussi pas mal de marchandises alléchantes. Je repère vite les fascicules la France travaille de Kollar dont je possède quelques exemplaires et je rêve un temps de compléter ma collection. Au vu du prix je passe mon tour mais je suis toujours heureux de retrouver ce travail. Tant pis...On trouve ces fascicules assez souvent, je finirai bien par trouver les autres exemplaires.
Au bout d'une allée mon oeil tape de suite sur un album bien blanc dont je reconnais immédiatement la graphie et dont le nom me fait frissonner d'envie : Steinberg.
Il faut le dire la couverture est sublime associant admirablement les graphismes de Steinberg avec le style de la maison Gallimard. Quelle merveille !
Malheureusement Gallimard oublie de nous nommer le metteur en page...Dommage...
Steinberg lui--même ? Aurait-il pu être le maitre de cette mise en page et surtout du choix des dessins pour cet album qui date de 1956 ? C'est donc très tôt ! Ai-je tort de penser qu'il pourrait même s'agir là d'une des toutes premières occasions de voir le travail de Steinberg ainsi compilé en France ?
Je le crois.
Pour le reste...Tout le génie de Saul Steinberg est présent dans de grandes pages blanches qui donnent l'occasion aux traits du dessinateur de nous dire tout son talent. C'est fragile, frais et les doubles pages sont souvent parfaitement bien construites, parfois autour de thématiques : les chats, les cow-boys, les villes, les signatures, les architectures etc...Toute l'essence du génie se déroule là dans un album très généreux en pages. Mon exemplaire est dans un état de fraicheur tel que ce n'est que chez moi que j'ai constaté la date d'édition, totalement éberlué ! Seuls les plats de couverture ont un peu jauni.
Que pourrais-je vous dire que je ne vous ai déjà dit sur l'importance de Steinberg pour moi comme dessinateur et comme relation avec Jacques Ramondot qui me le fit connaître ?
Rien ? Rien de plus...Un génie libérateur, drôle, fin, sensible. Et tellement malin....

Merci Monsieur Steinberg.
Merci Monsieur Ramondot.

Je vous donne donc un tout petit extrait de ce bel album que je vais chérir et donc que j'ai hâte de montrer à mes étudiants et étudiantes. Faut toujours laisser les libérateurs libérer aussi les autres.

Steinberg, Dessins
Éditions Gallimard, 1956.
5 euros sur ce salon. (une paille!)



























lundi 4 novembre 2024

Aujourd'hui, la Chine d'hier en pleine gueule

 Hier matin j'achète quelques albums d'Enfantina et ce très beau livre de photographies nous racontant la Chine, celle de 1955...sous un oeil un rien admiratif et lyrique. On pourrait bien passer par dessus ce sentiment qui est sans doute honnête de la part de son auteur mais qui ne résiste peut-être pas tout à fait à ce que l'Histoire nous a appris depuis. Mais voilà, le livre est particulièrement émouvant et cette émotion provient bien de sa forme : mise en page et choix des photographies. Tout cela est imprimé avec une grâce et une force absolument remarquable comme on savait le faire à cette époque, en héliogravure qui permettait d'avoir des noirs et des blancs impeccables. On note aussi ce choix photographique d'être proche des gens et de nombreuses photographies nous montrent des visages que l'on se prend en pleine gueule dans une proximité touchante et vibrante. Un livre d'images, certes parfois jouant la carte d'une Chine éternelle et idéalisée mais qui arrive tout de même à nous projeter dans un temps et un espace avec un émerveillement quasiment à chaque page. Que c'est bien construit ! Il faudrait montrer ce livre à mes amis chinois et voir comment ils s'y reconnaissent ou pas, comment ils articuleraient alors soit une forme de regret, soit une colère ou peut-être un sentiment d'admiration d'un moment sans doute bien disparu depuis longtemps. 

Mon exemplaire est en très bon état. 2 euros sur le vide-grenier. La couverture est juste incroyable...

Aujourd'hui la Chine
texte de Pierre Gascar, phototgraphies de la grande Ergy Landau
éditions Clairefontaine
5 novembre 1955




























En voulant ranger ce livre, je retombe sur un autre, toujours sur la Chine et toujours avec des textes de Pierre Gascar : la Chine et les Chinois chez Arthaud.
Nous sommes cette fois en 1971, la Révolution Culturelle est encore en cours...Plus livre de voyage que livre de photographies, cet album s'inscrit dans la tradition du beau livre d'images et de voyages. On sent un gros doute sur les tenants politiques de cette Chine de 1971 mais en ne voulant pas trop attaquer la politique. Les auteurs croient sans doute faire un bilan neutre et objectif...Mais c'est difficile de ne pas voir aujourd'hui tout ce qui manque d'une certaine tragédie.
Par contre, là encore, les photographies et la mise en page de François Cali (oui!) forment un bien beau livre qui nous transporte à la fois dans une Chine des payasages, des actions et des gens. Moins de visages ici que dans le premier ouvrage, on s'attarde plus volontiers dans une Chine de sa Culture, une Chine étrangement peut-être plus rêvée. Le titre semble vouloir remettre de fait la question du peuple face à ce que le mot Chine évoque comme autorité, pays, politiques, géographie.
Les photographies sont de Claude Arthaud et de François Hébert-Stevens et là encore l'héliogravure laisse les photographies exprimer pleinement leurs qualités.
Quel serait le livre d'aujourd'hui capable de nous montrer la Chine d'aujourd'hui ?
Et quel chinois ou chinoise pour se reconnaitre, se retrouver dans ces deux ouvrages ?

La Chine et les chinois
Pierre Gascar, photographies de Claude Arthaud et François Hébert-Stevens
Mise en page de François Cali.
éditions Arthaud, 1971.