lundi 5 août 2013

Naissance d'une archéologie par David Macaulay

Ce qu'il y a de bien avec l'Enfantina, c'est qu'on découvre régulièrement des petites merveilles un peu oubliées mais qui pourtant, dans leurs dessins, leurs formes, vous titillent la mémoire.
Aux Emmaüs, l'un de mes grands pourvoyeurs de livres, je découvre l'un de ces livres qui soudain vous semble un indispensable.
La civilisation perdue, naissance d'une archéologie par David Macaulay aux éditions Deux Coqs d'or.
Cet album est publié en France en 1981 et en 1979 pour son édition originale en anglais.
La date de publication a ici de l'importance car l'ouvrage s'amuse d'un principe temporel bien particulier. Voici :
En 1985, un cataclysme détruit le continent américain et toute cette civilisation. En 4022 (sic !) un archéologue amateur retrouve par hasard les restes de cette civilisation dont on a tout oublié et tente avec les artefacts d'inventer les rites funéraires de cette civilisation...
On voit donc avec amusement cet archéologue qui ressemble beaucoup à un archéologue du début du XXème siècle se promener et interpréter les reliques de notre époque, (enfin celle de 1979 !) pour comprendre notre mode de vie.
Alors nous sommes pris dans un feu croisé temporel puisque ce qui était le contemporain de David Macaulay est déjà bien dépassé aujourd'hui (35 ans !) mais en même temps est regardé dans un futur qui n'est pas notre présent...Vous me suivez ?
On peut donc s'amuser deux fois des écarts, celui inventé de l'auteur et celui réel du temps passé ! L'album présente d'abord l'histoire de la découverte du lieu puis analyse des objets en suivant l'erreur de jugement de l'archéologue sur leur destination !
Et David Macaulay utilise les outils de l'archéologie moderne au service de ce jeu temporel. On voit ainsi une vue aérienne qui permet de voir les nœuds autoroutiers enfouis, les enseignes de Vegas à peine dégagées laissant perplexes les archéologues sont interprétées comme des sectes religieuses, le sommet du Gateway Arch de Saarinen à Saint-Louis devenant un arc de triomphe érigé par les "Yanks", nom donné à ce peuple disparu ou le sommet du AT& T Building de Philip Johnson devenir un lieu de culte...
Mais ensuite vient donc l'exploration d'une chambre funéraire trouvée par hasard suite à une chute de Howard Carson l'archéologue dans l'un des "temples". Et on s'amusera évidemment de la bêtise d'interprétation de cet archéologue face à notre époque, le voyant interpréter une chambre d'hôtel minable restée intacte comme une chambre funéraire de l'Égypte ancienne ! La télévision face au mort sera le Grand Autel, le soutien-gorge devient un pectoral de cérémonies !
Puis, au-delà d'une autre porte, l'archéologue continuera son interprétation cette fois à partir d'une salle de bain restée elle aussi intacte avec son baigneur dans la baignoire. Il y verra la cérémonie funéraire complète avec tous ses ustensiles ! L'abattant des toilettes devenant un grand collier de cérémonie, et la cuvette l'urne sacrée...
Dans un chapitre de l'ouvrage intitulé "les trésors" on a droit à un inventaire complet des objets ainsi retrouvés et mal interprétés allant de la plante verte en plastique devenant "la plante qui ne mourrait jamais", au téléphone devenant le Tapacloche, instrument de musique étrange. On se régalera aussi du bouchon de l'évier devenant un pendentif sacré ou le balai des toilettes devenant lui le goupillon sacré !
Mais ce qui fait aussi que tout cela fonctionne c'est le dessin de David Macaulay. Précis, même un rien sec, offrant une sorte d'objectivité un peu froide, il offre une caution sérieuse et référencée aux délires joyeux de son auteur. On voit aussi que David Macaulay connaît bien les gravures de ruines de Piranèse et s'amuse même parfois à en citer des morceaux c'est le cas de le dire !
L'ensemble offre un album très blanc, très ouvert qui fonctionne parfaitement et amuse autant ceux qui comprennent le jeu de l'auteur que ceux plus jeunes qui pourraient s'y laisser prendre. On notera que l'éditeur très sérieux cette fois, explique en fin d'ouvrage que les traductions des jeux de mots de l'auteur ont été traduits au mieux car ce dernier ne voulait pas reprendre ses dessins. C'est rare.
David Macaulay fait donc là un ouvrage d'enfantina d'une grande qualité, à l'humour potache bien pensé et qui, par la clarté de son dessin a su traverser sans trop de dommage les années qui pourtant auraient pu, vu le propos, le rendre obsolète.
Un bien bel ouvrage donc que je vous conseille vivement de lire et de faire lire !

































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