jeudi 25 juillet 2013

Jacques Ramondot visité

Il y a déjà un petit moment, Philippe Martin nous invita à venir voir le Fonds de gravures de Jacques Ramondot déposé à l'école des Beaux-Arts de Rouen. Nous, c'était un trio : Martine Goupil, Jean-François Raymond et ma pomme avec donc Philippe Martin en Maître de Cérémonie.
Nous aimions tous quatre profondément Jacques Ramondot.
Il fut notre professeur de gravure. Il fut celui de Philippe Martin qui à son tour enseigna cet art en plus de la lithographie. J'ai suivi le même chemin.
Mais au-delà d'un enseignement, nous avions reçu une personnalité.
On pourrait pour vous faire comprendre qui était Jacques Ramondot vous dire : il était né la même année que Mickey, il aimait les images du chocolat Poulain, les couvercles de boites de Camenbert, collectionnait les boîtes de sardines. Bon, vous ne seriez pas très avancés...
Il aimait surtout le dessin et la littérature. Je lui dois Ponge, Raymond Roussel, Jules Verne redécouvert, Guillevic, Valère Novarina, René Daumal et surtout surtout pour ma part Georges Perec. Ce qu'il me disait de lire, je le lisais immédiatement car il savait aussi rappeler à ses élèves qu'il avait conseillé quelque chose...
Pour le dessin disons que de la pratique populaire la plus large en passant par les Maîtres anciens (Callot, Rembrandt et Seghers), il aimait à nous parler de Dubout, Saul Steinberg, Roland Topor, et de tant et tant d'autres. Il aimait une forme d'humour souvent un peu précieux qui savait aussi, lorsqu'il était en confiance, atteindre des sommets graveleux dignes des chemins inconnus du Mont Analogue. Il aimait le surréalisme au moins autant que Morandi. Il parlait de Braque avec beaucoup d'admiration et de Picasso, il ne savait rien dire d'autre que insurpassable.
Bref, c'était un artiste, un de ceux qui vous libèrent en pointant un doigt sur votre travail et en lançant l'air de rien un compliment ou une colère ! Plus souvent un compliment. Mais toujours avec franchise, clarté et une gourmandise qu'il partageait. Je savais l'attendre de pied ferme dans l'atelier, nous étions nombreux à l'attendre de pied ferme dans l'atelier. Je me souviens aussi de sa chaine avec ses clefs et de ses fiches accrochées également à une chaine qu'il rangeait dans sa poche et sur lesquelles il écrivait tout ce qu'il vous avait dit pour pouvoir vous demander des comptes au cas ou vous auriez oublié de lire untel ou de voir untel...C'était une forme subtile d'attention. Parfois je l'imite.
Et si je n'ai pas trop d'ambition dans ma vie, j'aimerais bien tout de même un jour être un peu comme lui.
Son travail de graveur est conséquent autant pour les planches libres que pour les ouvrages. Il aimait simplement jouir des formes de la nature (maritime souvent) et des objets sans doute bien moins des personnes. Son vocabulaire plastique est très marqué par le travail de Morandi, dans des lignes croisées pures, fermes et tenues dont les morsures longues mais douces de l'acide donnaient la chance terrible au noir de devenir une couleur. Il aimait ça, faire vibrer les noirs. Son style est celui sans doute d'un trait que mystérieusement je trouve très années 50, sans doute dans les cernes, les jeux graphiques, les assemblages plastiques. C'est assez étonnant de voir ainsi une époque marquer un travail. Mais cela ne le résume pas, et son synthétisme est bien plus riche car basé sur l'observation de ce qu'il dessinait et qui souvent débordait par un imaginaire dont l'humour était la loi.
Il nous manque.
Je ne sais pas pourquoi je vous en parle aujourd'hui, je ne sais pas pourquoi il me fait signe.
Je garde dans mes tiroirs les quelques épreuves qu'il aimait échanger contre sa livraison de mes lithographies auxquelles il était abonnées. Il me reste aussi des portes-plumes avec vue, comme ceux de La Vue de Raymond Roussel, portes-plumes qu'il m'avait demandé de chiner pour lui. Et si je glisse mon œil parfois à l'intérieur, la vue en est souvent brouillée par une averse inattendue, profonde et un peu triste.
Mais regardons ensemble ce bon et beau moment partagé avec mes amis.

Philippe et des élèves :



Jean-François Raymond et Martine Goupil :


























Aucun commentaire: