lundi 4 novembre 2013

Barbouille et Caran d'Ache sont des peintres gestuels.


Merci Claude !
En regardant ce matin cette petite vidéo extraite de la série des Barbapapa dont, pour ce qui est de l'architecture, nous connaissons leur amour pour Antti Lovag et Pascal Haüsermann, j'ai aussi appris que ce dessin animé nous donnait à voir une version bien particulière de la peinture abstraite, de sa création et surtout de son jugement.
Barbouille dont le nom a lui seul suffit à éclairer le sens de sa pratique est pourtant après l'accident originel de sa création reconnu comme un peintre.
Tout tient ici dans la formation artistique du personnage. Il passe d'un peintre figuratif qui ne trouve pas le succès à un peintre abstrait peignant avec son corps, dos tourné à ses créations, utilisant le hasard comme outil principal à ses inventions. Comme si, effectivement la relation au monde, la justesse possible d'un regard sur l'objet et le réel ne permettaient plus de trouver son public contemporain qui préférerait le hasard mal ordonné, la tache, l'indétermination des gestes...
Mais cela n'est pas très nouveau et même déborde la question historique de l'invention de la peinture abstraite et gestuelle. Voyez avec cet autre exemple :














Dans cette planche du très grand dessinateur Caran d'Ache, on voit un peintre inventant son motif de ciel gris éclairé par un soleil orange par la projection hasardeuse et glissante de la peinture sur la toile, tout cela devant le client (ou critique) qui doit se protéger avec un parapluie et qui finit maculé de peinture et le pied gauche dans le pot de couleur !
Le titre : "comment on fait un chef-d'œuvre."
On notera qu'il s'agit pour cette planche d'un auto-portrait car le peintre en question signe bien la toile de son nom Caran d'Ache ! On voit également que seul le soleil permet d'identifier la toile comme figurative car, tant que ce dernier ne figure pas (au sens fort) sur la toile, celle-ci reste bien une sorte de dépotoir de couleurs dont le peintre, pris dans sa gestualité d'artiste, joue à croire en sa représentation !
On devine ici, comme pour l'exemple de Barbouille l'effet performatif de l'acte de peindre. Au-delà de ce qui est représenté, de ce qui fait peinture, c'est bien le jeu de la fabrication de celle-ci qui fonde la réalité de l'art. Le spectacle du peintre au travail, le génie de celui-ci à faire de ce hasard maîtrisé et recherché une attitude créatrice fonde la relation à la peinture comme le résultat d'une posture.
Mais la barbouille de Barbouille reste abstraite alors que celle de Caran-d'Ache doit tout de même retrouver une forme de figuration même à minima qui d'ailleurs, serait bien là son talent.
On voit donc avec ces deux exemples comment la popularisation de l'acte créatif abstrait et gestuel est possible. Le premier exemple acquiesce à l'abstraction, l'autre doit tout de même poser un jalon figuratif pour en excuser à la fois la nécessité de liberté et le génie du regard...
Les deux sont justes finalement. Les deux histoires sont racontées par un dessin très clair (ligne claire), par le réel, par la représentation pour nous amuser de ce possible en art. On notera aussi que Barbouille s'adresse aux enfants voulant ainsi aussi sans doute leur offrir l'occasion de comprendre que l'on peut peindre sans regarder autre chose que la peinture libérée (enfin ?) du réel, alors que Caran d'Ache s'amuse avec les adultes pour rire sans doute de l'image de l'artiste démiurge absolu sachant dans le chaos de la peinture voir un ciel et un soleil.
Le premier m'attriste un peu, le second me fait mourir de rire.

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