mercredi 16 août 2023

(sans titre) et sans lecteur.

23.
23, c'est le nombre de visites pour mon dernier article sur ce blog. Si on enlève les égarés, ça ne nous fait pas beaucoup de visiteurs.
On peut voir ça comme ça :
1 : ce travail ne mérite aucune visite puisqu'il est nul, ne correspond pas à l'attente de la production actuelle d'une oeuvre d'art qui se doit de raconter les vagues sociétales les unes après les autres, être un travail d'analyses idéologiques de ce monde si frustrant. C'est vrai que j'ai conçu ce plan de travail sur l'exemple d'un écrivain mort depuis longtemps (Perec est mort en 1982) et que donc, il est possible que cette conception soit un rien ringarde aujourd'hui.

2 : mes amis en ont marre et croient qu'en ayant vu une planche , une fois, cela suffit à satisfaire leur curiosité (et leurs devoirs amicaux) et que, venir sur ce blog me dire quelque chose (ou rien d'ailleurs) n'est plus nécessaire car j'aurai obtenu une fois pour toute leur approbation amicale. C'est sans doute le coté sériel du travail qui fonde cette impression, si j'ose dire...

3 : plus personne ne va sur les blogs, Instagram étant devenu la fenêtre de tir idéale : une image, point-barre. La critique et/ou l'analyse se réduiront à un like ou un hashtag. Vous comprenez, on n'a plus le temps pour autre chose. On prend ce temps pour discuter de la longueur des poils chez les hommes et les femmes ou de la remonté des moustiques-tigres dans le nord.

4 : je devrais ne pas me préoccuper de ce retour sur mon travail. Après tout, la question qui est posée est celle de la reconnaissance d'un travail. On sait comment cette question romantique fut  bouleversée par le XXème siècle, ce siècle de la construction héroïque du soi et de son aventure resserrée dans l'expression. 
Aujourd'hui tout le monde est un artiste puisqu'il est, au pire, un artiste en devenir. Suffit d'attendre. Je vais donc attendre.

5 : exprimer mon désarroi ici serait à la fois la preuve de mon attente et de ma frustration (mais alors, comme personne ne lit ce texte, je n'ai rien à craindre de cette critique) et donc d'une certaine faiblesse. Oui, c'est clair. Comment alors faire avec les espoirs de ceux à qui j'enseigne ? Dois-je leur enseigner le risque de ne travailler que pour soi ou pour un petit groupe. On pourra par espoir appeler ce petit cercle Nabis pour se rassurer, lui donner un ISME quelconque pour se croire constitué sur une réflexion et se border conceptuellement, se réchauffer entre nous. Pleurnicher ainsi son désarroi est inutile mais au moins c'est transparent.
Je ne veux ni être un artiste maudit ni un artiste désabusé. Ils sont trop nombreux maintenant à appeler Cioran au secours pour dénoncer ce monde et leur fausse indifférence à celui-ci. Je ne veux plus faire partie de ce groupe. 

6 : quoi faire ? Faire autre chose ? Autrement ? Pas ici ? Voir même tout arrêter avec un sourire en coin à la Duchamp et poursuivre dans le faux secret d'un retrait un travail qui sera, si l'histoire tourne, redécouvert (forcément redécouvert) plus tard ? Mon Grand Verre est-il un tombeau de centaine de lithographies ? Me plier aux injonctions d'un travail comico-anarcho-sociétal ? Un artiste type Canal Plus, libéral de droite (forcément de droite car tourner sur son soi), ceux qui remplissent les centres d'art de leur  critique amusée du monde en espérant s'en tirer ainsi au mieux. Rions entre nous au huitième degrés sur la Société du Spectacle et de la consomation (ah...c'est donc ça...)  et remplissons ces centres d'art de notre critique du Monde en prenant au passage la subvention d'état ? Oups...ça sent la rancoeur...et l'expérience...Pardon...
Mais c'est de l'humour voyons ! L'humour ça sauve tout aujourd'hui. Et tous se croient ironiques, c'est leur dernière carte à jouer cette ironie permanente et épuisée.

7 : devenir un laborieux silencieux. Être un Morandi, un Ramondot, un travailleur acharné, un peu seul, un peu hédoniste, cherchant dans sa pratique un refuge, un soutien, en feignant de croire à une obligation psychologique, une sorte de pis-aller à sa dépression. Se croire éclairé. Se faire du bien en faisant de sa production artistique l'expression d'un soi tranquillisé. Un refuge. Remplaçons l'Art par la Culture et surtout TOUTES les cultures au nom de l'altérité, de la gentillesse, de notre émotion joyeuse à l'autre, au droit à être. Vomissons en permanence ce droit et récupérons tout ce qui est possible, tout ce qui est marchand.

8 : tout arrêter, de manière spectaculaire dans un suicide déclaratif, avec lettre d'adieu, dans un spectacle, voir un vrai concept de la disparition comme Edouard Levé qui, finalement, fait le même geste que David Hamilton. Se mettre au vert, dans un dédain des pratiques artistiques, se tournant vers la philosophie, les voyages (ah la figure du voyageur serein face au monde...) riant des pauvres compagnons continuant de croire à la gloire et l'attendant fébrilement. Se ruiner seul, se perdre dans les addictions, mourir en héros à 27 ans, devenir sa maladie, la porter comme un étendard, comme le signe de son épaisseur artistique : le héros rock and roll.
La misère...le clochard céleste guydeborien en surplomb sur le monde. Diogène au tonneau sponsorisé par Nike.

9 : faire comme si cela n'avait aucune importance et continuer. Se donner à soi-même le change en en appelant au plaisir, la joie satisfaite des contraintes tenues et qui vous tiennent à leur tour. Se chercher des excuses (le métier d'enseignant est une excuse puissante), l'orgueil, l'épuisement, la fin d'un temps ou pire, se croire trop en avance, trop sur le coté pour que cette société ne vous reconnaisse, s'auto-proclamer artiste silencieux et donc obligatoirement profond. Une caverne certes immense mais aussi très creuse que même l'amour n'arrive plus à remplir.

Je ne sais pas. Vous verrez. On verra. Ou pas.
N'ayant plus Photoshop, je ne peux régler la balance des blancs sur ces clichés. C'est un peu terne. Je sais.
Exsusez-moi mais je dois maintenant ranger ce travail dans un tiroir.




 







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